Le revenant – Michael Punke

9782258104105

Fitzgerald et Bridger lui avaient délibérément volé les quelques affaires qui auraient pu le sauver. En le privant de cette possibilité, ils l’avaient tué. Ils l’avaient assassiné, aussi sûrement qu’avec un couteau dans le cœur ou une balle dans le cerveau. Ils avaient commis un meurtre, sauf qu’il ne mourrait pas. Il ne mourrait pas, et il survivrait pour tuer ses meurtriers.

Peu de livres ont autant pris la poussière sur ma table de chevet. J’avais acheté Le revenant à sa sortie aux Presses de la cité il y a plus d’un an. Je sortais de la lecture du formidable Homesman de Glendon Swarthout, un truc qui sentait le wild west, dur, sans compromis.

J’avais envie de prendre ma dose de testostérone western. La couverture était déjà une promesse, elle ne jouait pas forcément dans la finesse, plutôt dans le mystère virile, façon Largo Winch. Et puis ce pitch… Homme défiguré par un grizzly, abandonné par ses compagnons au milieu du grand nulle part hostile, revient du royaume des morts (ou presque) pour se venger… Ça sentait le page-turner dopé au sang et à la sueur. Peut-être un peu trop d’ailleurs, et c’est sans doute pour ça que je l’ai laissé prendre la poussière aussi longtemps.

Et puis on a commencé à entendre parler du film d’Iñarritu avec Di Caprio dans le rôle de Hugh Glass. Tout le monde a dit qu’il était exceptionnel, qu’il allait tout rafler aux Oscars, que Di Caprio allait enfin récupérer une statuette. Alors je suis allé chercher le roman dans ma PAL oubliée avant de me lancer à l’assaut du film la semaine prochaine. Expérience.

Le revenant de Michael Punke, roman sorti en 2002, opportunément traduit et édité par les Presses de la cité l’année dernière alors que le livre était déjà en cours d’adaptation au cinéma. Bêtement, cyniquement sans doute, je me dit que si le roman avait été un réel chef d’œuvre de Nature writing, il aurait trouvé sa place bien avant chez un éditeur français…

Le roman de Punke est la réécriture d’événements qui se sont, au moins partiellement, déroulés. En septembre 1823, quelque part dans ce qui serait sans doute aujourd’hui le Wyoming, à quelques centaines de kilomètres des Rocheuses, au bord d’un des affluents du Missouri, dans une forêt hostile peuplée d’indiens et d’animaux en tous genres, une compagnie de trappeurs avance prudemment.

Le danger est partout et le fusil, le meilleur ami de l’homme (contrairement au chien qui dans ce roman occupe une fonction hautement nutritive). Hugh Glass, aventurier taiseux, expérimenté, se fait mettre en pièces par un grizzly. Laissé pour mort , lacéré , presque scalpé, Glass n’en a plus que pour quelques heures. Il est intransportable. Mais le capitaine Henry qui dirige le groupe, refuse de l’abandonner et le confie à deux hommes, Fitzgerald et Bridger  censés le veiller puis l’enterrer le cas échéant. Mais les deux hommes  abandonnent le mourant, non sans le dépouiller auparavant, s’enfuient, laissant Glass seul face à la nature.

Oui mais voilà, le trappeur refuse de mourir, s’accroche désespérément à la vie, rampe, boîte, lutte, mû par une seule idée, la vengeance.

« An eye for an eye », naissance d’un héros américain, de l’âme de l’ouest et de sa conquête, un héros qui ne veut que la justice, qui aime son fusil plus que lui-même, qui n’attend rien de personne, une sorte de self-made-man avant l’heure avec un code d’honneur grand comme les territoires qu’il traverse.

Je me suis un peu ennuyé en lisant ce revenant  dont la progression difficile d’une rivière à l’autre ne s’appuie que sur une souffrance et une résilience silencieuses. Le seul sentiment proprement humain, moderne, qui se dégage du personnage de Glass, un peu monolithique, est celui de la vengeance. Tout le reste est primitif (mis à part le très bel épisode de la sépulture d’une vieille squaw sioux). Du coup le récit de Punke est avant tout factuel, roman d’aventures vaguement plat malgré un déchaînement de péripéties, et oublie de faire le pas de recul qui aurait pu nous faire ressentir l’incroyable poésie contemplative que les images d’Iñarritu parviendront peut-être à faire ressortir. Je rêve peut-être, mais en lisant le revenant, je visualisais des images à la Aguirre ou la colère de Dieu. Je voulais voyager dans la tête de Glass, imaginer ses états d’âme plus qu’observer son côté McGyver de la survie en milieu hostile. Je suis déçu parce que j’ai le sentiment que Punke n’a pas réussi à s’élever au-dessus de la forêt dans laquelle son héros se débat. C’est comme si nous, lecteurs, avions fait tout ce chemin avec Glass, avions rampé et lutté avec lui dans un décor supposé grandiose, sans jamais une seule fois pouvoir le contempler. Vivement le film que je puisse moi aussi me venger.

Le revenant, Michael Punke, Presses de la cité

8 réponses à “Le revenant – Michael Punke”

  1. Le film est carrément éprouvant ……avec des images sublimes. ….et une brutalité et une violence comme j’ai rarement vue…..mais rien de gratuit….j’ai adoré. . J’ai même envie d’y retourner pour la beauté de certaines images. ….et au milieu de la violence de la nature il y a aussi des moments de poésie …touchants..

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