Un pavé africain.
Attention, Best-seller international. Ou comment un pavé de 700 pages, bourré de références et dense comme le brouillard Londonien, peut devenir un phénomène de librairie.
Qu’est-ce que je connaissais du Congo, avant de me lancer dans l’aventure ? Des bribes, des noms. Mobutu, Kabila, Kinshasa, le Kivu, l’amie Claude, bien sûr !! et Eugène Kabongo, le grand attaquant d’Anderlecht. J’avais vaguement à l’esprit la colonisation belge, Léopold II et «Tintin au Congo ». Bref, j’avais tout à apprendre.
David Van Reybrouck, historien, romancier et poète belge, remonte l’histoire en même temps que le fleuve. On découvre le pays, qui n’en est pas encore un, au gré de témoignages incroyables, à travers les différentes époques qui défilent sous nos yeux. La colonisation, l’évangélisation brutale, la négation de toute culture locale.
C’est la cruauté de l’exploitation européenne qui choque. Le Congo pourrait sans doute s’appeler Algérie ou Cameroun, l’histoire serait toujours la même. La violence est omniprésente, quotidienne. Elle est de toutes les époques. Elle était déjà là avant que les belges n’arrivent. La colonisation du pays par Léopold II ne fait qu’accélérer le processus.
En moins d’un siècle, le Congo passe de l’ignorance de la culture européenne à l’indépendance que certains considèrent comme un abandon. 100 ans, c’est une enfance violente et trop courte pour une nation si neuve. 1960, les Belges sont partis, c’est l’heure de la liberté à laquelle personne n’est préparé. Il n’y a pas eu de transition. Les blancs ont tout pris, à part le temps de former les élites. Les congolais ne sont pas éduqués, les belges ne leur ont pas donné accès au savoir. Aucun médecin, aucun militaire, le pays est livré à lui-même et se prépare au chaos. Mobutu attend son heure, elle viendra en 1965. Il établira une dictature absolue que Van Reybrouck compare à celle de Ceausescu en Roumanie. Ensuite c’est Kabila qui arrive, porté par les échos de la guerre qui se joue à l’Est au Rwanda. Toujours la guerre, toujours la violence…
Congo, cœur de l’Afrique et martyre de l’Europe ? Sans doute. En un siècle, de Léopold II à Nokia et Erikson, les pays développés sont venus se servir dans un des pays les plus richement dotés de la planète. Et l’histoire se poursuit aujourd’hui au Kivu, dans l’indifférence générale. Tout va bien.
Pourquoi « Congo, une histoire » est-il un livre passionnant ? Parce que la grande histoire n’est faite que de parcours individuels, de petites histoires que l’auteur a évoquées à travers de nombreuses anecdotes authentiques. C’est aussi la voix de David Van Reybrouck, jamais neutre, et son amour pour ces gens qu’il a choisi de raconter, qui rend ce livre aussi attachant.
Congo, Une histoire, David Van Reybrouck, éditions Actes Sud