écrit en décembre 2011,
Je dois avoir une vingtaine d’albums de Sonic Youth. Des raretés, des lives enregistrés avec des mange disques – je sais que c’est impossible, mais ça donne une idée du son. J’ai porté jusqu’à l’usure, le Tee-shirt de l’album Goo, ci-dessus. J’ai eu le même autocollant sur la 104 pendant des années. J’ai traqué les projets solos des musiciens du groupe – j’aurais peut-être pu éviter. J’ai adoré leur côté américain intello snob. La face obscure de l’Amérique, New York, extension de l’Europe, leurs accointances avec certains cinéastes indépendants (Jarmusch, Gus Van Sant).
Sonic Youth compose, à mon avis, la musique qui se rapproche le plus d’une décharge électrique ou d’un orage. Dieu sait que j’ai pourtant horreur de l’orage.
Quand j’étais gamin, l’été, la ferme se transformait parfois en scène de l’Apocalypse. On voyait les nuages s’avancer. On comptait les secondes entre les éclairs et le tonnerre. Une seconde pour un kilomètre, c’est ce que disait mon père, capitaine dans la tempête. Si l’orage avait décidé de passer au-dessus de la ferme, c’était Fort Alamo. Tout le monde aux abris. Quand le tonnerre s’approchait au milieu de la nuit, j’entendais mon père qui se levait pour débrancher les appareils électriques. Je pense qu’un bombardement en temps de guerre nous aurait fait le même effet. Ma mère paniquait et nous transmettait son angoisse. Elle était née à la ferme et des orages elle en avait vu passer…Le problème, c’était que la ferme, située entre deux collines, avait tendance à retenir les orages. Et que plutôt que passer en quelques minutes, ceux-ci s’installaient au-dessus de la maison. Au fil des années, la foudre est tombée plusieurs fois, mettant le feu à des chênes centenaires, passant par la cheminée du salon et sortant par la cuisine. Les orages se sont également acharnés sur le système électrique et le compteur a pris feu à plusieurs reprises. Mon père nous disait de nous tenir à l’écart des prises électriques. A juste titre car il n’était pas rare de voir des éclairs jaillir des prises…
Mais Sonic Youth dans tout ça ? Des guitares furieuses qui se chevauchent et s’entremêlent. Un ouragan permanant. Une tension électrique même dans les (rares) moments calmes. Les guitares qui sonnent parfois comme le tonnerre qui s’éloigne. Un bordel équilibré. Certains passages sont dissonants et pas mal de chansons inaudibles…Avec Sonic Youth il faut parfois accepter cinq minutes de fureur bruitiste pour accéder au Nirvana…
Tunic, puisqu’il faut en choisir une, la parfaite illustration de ce bordel électrique, porté par la voix fantomatique de Kim Gordon. Vingt ans après avoir découvert la chanson, je suis toujours en admiration.
Mon Nirvana: Octobre 2009. Nous sommes à New York avec M. Un vent glacial nous pince les oreilles alors que nous remontons Broadway depuis Ground Zero, au sud de Manhattan. C’est un dimanche matin et les trottoirs sont quasiment déserts. A l’angle d’une rue, un homme discute avec un gamin d’une dizaine d’années, sans doute son fils. Je lève les yeux et je croise son regard. C’est Lee Ranaldo, le guitariste de Sonic Youth. Il disparait immédiatement dans la rue voisine, Murray Street, l’adresse du studio d’enregistrement du groupe.
Une coïncidence à la Paul Auster, un dimanche matin maussade à New-York. Une apparition furtive. Un ange est passé entre deux orages…Nous avons observé pendant quelques instants sa silhouette qui disparaissait au loin puis nous avons tourné les talons et repris notre chemin vers le nord.
Une réponse à “Tunic – Sonic Youth – 45 chansons”
non, tu as eu le tshirt de Goo?? génial 🙂
tu le mets encore?