4 3 2 1 – Paul Auster

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1016 pages. Je suis venu à bout de 4.3.2.1, ce pèlerinage à marche forcée dans la mémoire américaine de l’après-guerre. Un trek de lecture pour randonneurs littéraires avertis, pour marathoniens de la phrase longue.

J’avoue que, après avoir allègrement et vaillamment englouti les premières centaines de pages, frais et confiant surtout, fort de ma foi inébranlable en Paul Auster – J’ai tout lu même ses poèmes et ses recettes de cuisine, tout. Je lui dois mon goût de la lecture, sans lui, je me serais arrêté entre la station Enyd Blyton et Stephen King – J’avoue que je me suis perdu dans ce 4.3.2.1, qui ne fait rien mais alors absolument rien pour laisser le lecteur naviguer confortablement sur les rives paisibles d’un roman fleuve au scénario classique.

Non, pour son roman du grand retour quasi autoproclamé, l’auteur de Moon Palace…ah Moon Palace (d’ailleurs, clin d’oeil et apparition furtive de Marco Fogg vers la page 800, ou un peu avant…) nous entraine dans une expérience passionnante (l’idée l’est) mais confuse (la mise en scène l’est aussi).

Auster se créée un double américain ou presque, Archie Ferguson, un personnage né en 1947 à Newark comme lui, juif comme lui et féru de Baseball (obsession perso), qui deviendra écrivain après avoir vécu en France. Comme lui.

Enfin ce n’est pas si simple. Auster a imaginé quatre vies possibles d’un même enfant. Quatre destins parallèles aux racines identiques que les circonstances, les rencontres façonneront à leur manière. Vies et œuvre d’un même gamin de Newark. Quatre histoires superposées, classées en quarts de chapitres qui se suivent. 2.1, 2.2, 2.3, 2.4 etc.

Le principe est simple. On avance d’une case avec un Ferguson, puis on recule de quelques cases dans la chronologie et on découvre un autre Ferguson à la même époque, gamin identique aux parents identiques, aux mêmes fréquentations au départ, qui petit à petit elles aussi commencent à suivre leurs propres itinéraires, à disparaitre ou à prendre de l’importance, suivant le Ferguson dont on parle.

C’est Arnaud Viviant qui en parlait l’autre jour au Masque et la plume et qui ayant adoré le roman disait malgré tout qu’il fallait le lire par tranches de 200 pages pour ne pas s’emmêler… Et c’est bien là le problème. Si j’ai bien lu les 500 premières pages lors d’un long trajet en avion, donc plutôt rapidement et confondant malgré tout les Ferguson de façon régulière, j’ai sur les 500 pages suivantes eu l’impression de m’enfoncer lentement dans des sables mouvants et de m’aventurer sur un chemin sans fin, par grand froid et de nuit. Je me suis ennuyé comme rarement entre la page 500 et la page 800, à peu près, ramant à contre-courant sur ce fleuve gigantesque au paysage monotone fait du récit d’années étudiantes ponctuées par un peu de sexe et d’histoire américaine, le tout illustré par une plongée très scolaire en littérature.

J’aime l’idée ambitieuse de ce roman, j’aime le dernier (unique..) retournement à la toute fin. J’aime certains personnages secondaires comme cette Amy aux quatre visages ou Rose la mère mais je l’avoue bien malgré moi, moi qui admire Auster par-dessus tous, je me foutais à la fin -quand j’aurais dû pleurer- du sort de ce pauvre Ferguson, quel que fût son numéro, alors que enfin j’entamais la dernière ligne droite de cette épreuve de lecture dont  l’évidente richesse s’était finalement perdue sous le poids de ce fleuve beaucoup trop long pour être navigué. Je suis à la fois navré, soulagé d’en avoir terminé et ravi de pouvoir enfin retrouver le plaisir simple de la lecture…

4 3 2 1, Paul Auster, éditions Actes Sud.