On est tous des putes, mon pote. Toi comme moi. Comme eux. Comme tous. Ton problème c’est que tu es naïf. Tu es comme une pute qui prend le fric mais qui aimerait en plus avoir du plaisir.
Encore un livre évènement. Un pamphlet qui a fait parler dans les plus hautes sphères…de la télé. Tempête de vent au milieu du néant ?
Il n’y a que trois ou quatre ans de cela, une éternité, j’ai presque honte de l’avouer, j’étais un adepte du Grand Journal.
Je rentrais du boulot, débouchais ma bière d’une main, chopais les olives de l’autre et j’allumais le poste. C’était les débuts de Yann Barthès et du petit Journal, un temps où je trouvais que Michel Denisot, c’était la méga classe. Louise Bourgoin était jolie quand même et, même si l’ensemble n’était pas toujours drôle, le Grand Journal ressemblait à un joyeux bordel estampillé bobo qui avait l’immense mérite de savoir clore une journée de boulot et me faire entrer dans la soirée sans me faire trop mal aux yeux en regardant Lagaff ou Nagui…
C’était il y a trois ou quatre ans… Ensuite, Pauline Lefevre est venue donner la réplique à Arianne Massenet, les chroniques gadget et les questions à la con ont commencé (ou continué) à se succéder au rythme des applaudissements permanents qui couvraient de plus en plus la voix de Denisot. Petit à petit, j’ai décroché.
Ollivier Pourriol a été chroniqueur au Grand Journal pendant un an. En 2012. La caution intello. Pourriol est philosophe et écrivain. ça calme. Petite quarantaine grisonnante, l’homme est beau et respire l’intelligence. En plus, il a l’air connecté avec son époque. Il parle le tweet et le FB couramment. Il a même écrit un essai sur le foot Eloge du mauvais geste (NiL,2010). Alors Canal + l’a contacté et lui a proposé de remplacer Ali Badou pour la minute neurone du GJ. C’est l’histoire de ONOFF, chronique d’une année à part pour Ollivier Pourriol, une année de frustrations qu’il a tellement mal vécue qu’il a décidé de l’exorciser en écrivant ce livre…
Tu sais ce que dit Spinoza. Quand on fréquente des gens trop différents de soi, il n’y a que deux possibilités : s’adapter ou mourir.
Pourriol raconte, toujours sous la forme de dialogues très drôles, les différents épisodes qui auront accompagné son année dans un cage dorée. L’intello fait l’expérience du vide, ne s’intègre jamais vraiment, ne trouve pas le rythme. Il est trop lent, il pense avant de parler, du coup il ne parle pas et quand il parle l’oreillette lui hurle qu’il est trop long. Alors, très rapidement, il comprend qu’il n’y arrivera pas. Il observe l’émission comme s’il était un spectateur de luxe et nous balance ses impressions. A propos de Denisot et sa cour de chroniqueurs:
C’est le principe de l’émission :On balance des chroniqueurs à proximité du superprédateur et on regarde qui s’en sort. Ne crois pas que les gens regardent un talk-show :ils regardent, comme dans une arène, qui bouffe, qui survit, qui crève. Les gens aiment la violence, ils regardent la baston.
A propos du rédac chef, du producteur, des chroniqueurs ou de ceux qui font l’émission et qu’il nomme Ils :
Ils ont peur pour leur cul. Plutôt qu’être très intéressants pour très peu de monde, ils savent dans chacun de leurs nerfs qu’il vaut mieux intéresser très peu tout le monde.
L’émission est une coquille vide, une odeur, une impression, un flacon sans parfum, un contenant où tout contenu est perçu comme un danger.
Le vide n’est jamais décevant. Il tient toujours ses promesses. Le vide détend. Le vide te vide. Comme en hypnose. Ce qui compte ce n’est pas ce que tu dis, c’est le son de ma voix, mais tu oublies ce que je dis. Avant on regardait le feu dans la cheminée. Hypnose garantie. C’est très juste et ça fait peur. Combien de soirées j’ai passées à zapper sans but en pensant à autre chose ou à rien, saoulé par le rythme et les couleurs ?
On peut bien sûr se demander ce qui a poussé Ollivier Pourriol à venir se fourvoyer dans une telle galère, on peut se demander pourquoi il n’a jamais claqué la porte, pourquoi il n’a pas compris plus tôt, lui, l’homme intelligent, qu’il n’avait rien à gagner à s’exposer ainsi ? Il a au moins eu le mérite de provoquer le dialogue avec le producteur, le rédac chef, la direction de Canal. Mais il n’a jamais eu de réponse à ses questions. On a continué à le payer 10000 euros par mois pour qu’il se taise. Etonnant ? Pas tant que ça quand on y regarde de plus près… Toujours est-il que le bouquin est vraiment bien écrit, qu’il est drôle, fin et qu’il met parfaitement en perspective la forme de culture dans laquelle nous nous sommes insidieusement installés depuis quelques années. La fameuse culture du zapping, devenue la marque de fabrique de Canal+. CQFD ?
ON/OFF, Ollivier Pourriol, editions NiL