J’ai sorti ma plume verte.
Une des vertus principales des vacances et de celles-ci en particulier, outre la redécouverte des shorts, des tongs et des cubis de rosé, est de pouvoir changer de rythme, de quitter la frénésie ordinaire et d’épouser un tempo différent, plus lent, celui de l’observation et de la contemplation. (cela me va plutôt bien, moi qui me réjouit aussi du retour de l’automne, me complait dans une certaine forme de mélancolie saisonnière liée à la rentrée et qui pourrait passer des heures le nez collé à la fenêtre à soupirer en écoutant des chansons tristes)…
Il y a dix jours à peine nous (notre petite famille) avons embarqué à bord d’un petit bateau, gentiment amarré dans les eaux calme du petit port de Tofino, en Colombie Britannique, sur les bords du (pas petit) Pacifique nord. Ambiance Bretagne du nouveau monde , quinze degrés, brouillard matinal, bateaux de pêche rentrant au port au ralenti. Nous partions à la recherche des ours noirs, qui se promènent régulièrement sur les plages désertes à marée basse. Et nous avons découvert un paradis. Cloyoquot sound. Un monde en soi. Le Pacifique quitte la côte canadienne et pénètre dans les terres, profondément. Il va lécher des montagnes recouvertes de pins qui se jettent à la mer à la manière des fjords norvégiens. Des terres immaculées qui se dévoilent au fur et à mesure que le brouillard se lève. Magique.
Chasing Cloyoquot est le récit d’une année passée au rythme de cet univers exceptionnel. Mois après mois, David Pitt-Brooke nous conte la nature et les hommes qui l’entourent. Du frai des harengs à la migration des baleines, des vilains promoteurs qui veulent exploiter le bois de cette zone protégée aux rites des tribus indiennes, on comprend à quel point, ici, comme nulle part ailleurs, la nature dicte le rythme de la vie. Un rythme lent, des paysages inchangés depuis des millénaires, le cycle immuable des saisons et les incertitudes liées à la mer (les harengs reviendront-ils frayer dans la baie ?).
C’est toute une société qui vit au rythme de la nature, des migrations d’animaux, des tempêtes, du brouillard. Tributaire d’un environnement qui le dépasse, souvent farouchement hostile, parfois clément, incroyablement beau et fragile, l’homme s’adapte, se calfeutre pendant l’hiver, attend le printemps, prépare l’été, profite des beaux jours, récolte le saumon en automne et se met à nouveau à l’abri quand les premières tempêtes d’automne envahissent le littoral.
Le livre de Pitt-Brooke est un hymne, une poésie de deux-cents cinquante pages dédiées à un paradis en danger. Il met un terme à son livre, après avoir égrainé les mois, décrit les îles et les plages, les baleines et les ours, les tempêtes et le ciel clair en citant Oscar Wilde. « What is beautiful is a joy for all seasons, a possession for eternity. » Amen.
Chasing Clayoquot, David Pitt-Brooke, éditions Greystone