Un bon polar. Un sprint dans le noir. Un truc qui sent les bas-fonds, les égouts, les tueurs de sang-froid, la mafia, les flics véreux, les bons flics aussi, enfin un, Jack Lennon, le héros récurrent de cette trilogie irlandaise qui se termine donc avec cet opus noir comme du jus de tourbe : Ames volées.
C’est certain, ce polar n’a pas été sponsorisé par l’office du tourisme d’Irlande du nord. Après avoir lu ça, aucune chance de tomber amoureux de ce lieu de désolation, peuplé de barjots de toute espèce, de détraqués sexuels tellement sadiques qu’ils vous feraient passer Saw pour une bleuette romantique. Tout est noir. Les lithuaniens ont remplacé les salopards irlandais pure souche (tous morts dans les épisodes précédents), Le bon Jack Lennon, qu’on imagine beau gosse ténébreux et dont on se demande s’il est le seul homme fréquentable du pays, succombe lui aussi à des tentations de bas étage… Jusque-là, il ne parvenait plus à faire disparaitre la sensation malsaine qui courait sur sa peau. Non que les filles ne soient pas propres, ni qu’il craignit d’attraper une vulgaire infection, mais il croyait voir l’infamie logée en lui suinter par ses pores, une exhalaison poisseuse qui contaminait tout ce qu’il touchait. Bref, il y a quelque chose de pourri au royaume de la pluie horizontale.
Mais il y a une vie à préserver. Peu importe que ce soit Noël, ici, pas de trêve. Une femme à sauver des griffes dégueulasses de tous ces hommes qui hantent les rues de Belfast, qui martyrisent des prostituées sans identité, parfois au nom de Dieu, qui flinguent comme ils respirent, de leurs narines obstruées par la coke. Le fou était parti. Et ce maudit espoir qui s’insinuait de nouveau. Elle aurait presque souhaité le chasser de sa conscience, mais toujours il revenait.
Pervers en série, femmes victimes, héros amoché, ce dernier tome de la trilogie est un feu d’artifice bourré d’hormones qui ne laisse que peu de place à la contemplation. On aura bien le temps de se reposer et de bouffer la dinde du réveillon quand tous ces barjots auront rejoint le royaume des ombres.
Noir c’est noir, plus d’espoir.
Les trois tomes pour les amateurs de brouillard. Hautement recommandable.
Ames volées, Stuart Neville, éditions Rivage Noir