Nicolas Bedos, arrogant dandy surdoué, tête à claque préférée des médias, VRP attitré de la jeune gauche caviar, vient de faire son retour, quelques mois seulement après la sortie du deuxième tome de son Année particulière, avec un nouveau livre intitulé La tête ailleurs, qu’on nous présente comme un récit.
Bêtement, je me suis dit que le formidable Nicolas, dont je suis un fan absolu et dont les formules assassines me ravissent toujours autant, venait d’écrire un roman, une histoire, un truc énorme qui allait révéler aux yeux du monde l’immense talent que tous soupçonnent mais dont il ne nous a donné que quelques aperçus à travers ses célèbres chroniques. “Je suis pour les ricains ce que sont les Essais de Montaigne dans la mémoire de laure Manaudou » J’adore.
J’avais tout faux. Nicolas Bedos, dans ce « récit » s’est contenté une nouvelle fois de nous faire part de ses humeurs, de ses amours, de sa vision désabusée de la France et de ses petits travers. Façon chronique écrite en pyjama sur un bout de table en dix minutes. Alors oui, encore une fois je me suis marré à chaque page ou presque. J’ai souligné des formules géniales que seul lui sait distiller. J’ai tourné les pages à toute vitesse et c’est un peu le problème…On feuillète ce livre comme on effeuillerait les pages d’un catalogue IKEA aux toilettes. Il ne reste pas grand-chose à la fin. On a passé un bon moment. On a juste passé le temps.
Nicolas Bedos est un fainéant magnifique. Un parasite qui se nourrit des travers de son époque. Une sorte de troubadour qui vient distraire la cour en faisant le pitre. Le chroniqueur est un surdoué de la formule mais on était en droit d’espérer autre chose qu’une resucée des épisodes précédents. Bedos laisse tourner le moteur à l’économie et la formule déçoit. « Elève doué, se contente du minimum ». C’est un peu cela et c’est dommage. La désinvolture érigée en posture, un air légèrement supérieur, un côté sale gamin des beaux quartiers, voilà l’impression qui domine.
Malgré tout, ce qui le sauve, c’est sa lucidité et sa capacité à maltraiter son personnage avec autant de férocité que les pires de ses ennemis (véritables ou feints) médiatiques. J’écris depuis deux ans dans un canard de gauche et voilà tout de même six ans que je n’ai pas croisé UN pauvre.
Bedos est un bouffon qui s’assume en tant que loser magnifique. On sent poindre une tristesse, une envie de grandir dans son rapport avec les femmes, avec la paternité qui ne manquera pas de devenir un soucis d’ici quelques années.
Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre du nombril de Nicolas Bedos ? Des questions qu’il se pose, de ses échecs amoureux permanents ? Rien et il en est certainement conscient, lui qui dégoupille la critique avant même qu’elle n’arrive à ses oreilles Rassure-toi, la raison me garde de comparer ma prose poreuse à celle de mes idoles, et je ne cache pas mon mépris devant le strip-tease annuel d’une Christine Angot, mais – à défaut de vivre pour l’écrire-pourquoi se priverait-on d’écrire sur ce qu’on vit.
Je l’imagine facile, vaguement paresseux, ce qui n’est peut-être pas le cas. Je le vois brillant, ce qui est évident.
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire…Nicolas Bedos est un roi fainéant, un esprit fabuleusement vif quelque peu endormi. Je vous préviens dès qu’il se réveille.
La tête ailleurs, Nicolas Bedos, éditions Robert Laffont