Le ciel revêt une couleur brun souillé, les immeubles forment des rectangles maculés de pluie sur l’horizon lugubre. Belfast n’est pas une belle ville.
Bienvenue au Paradis ! De retour à Belfast, encore. Pas en compagnie de Stuart Neville mais d’Adrian McKinty qui sort ce mois-ci le deuxième opus de sa trilogie noire consacrée à Sean Duffy, flic catholique rebelle égaré dans les rangs loyalistes en 1982.
Duffy est un sale gosse. Un inspecteur qui ne respecte pas les consignes. Qui ne fait rien comme on lui demande. Qui va gratter là où ça démange et ça dérange. Quand il est sur une piste, rien ne l’arrête, c’est ce qui fait son charme, malgré un vilain côté branleur post-pubère quasiment assumé. Duffy est flic, catho donc,vit dans un quartier protestant hardcore et regarde tous les matins sous sa BM pour vérifier qu’on n’y a pas posé un bombe pendant la nuit. Duffy, façon post-ado, est un rockeur qui vit ses émotions à travers les disques qu’il écoute. Genre j’ai la gerbe dans ma chambre humide, le chauffage vient de lâcher et j’ai plus rien à bouffer, tiens ! je vais me faire un petit Nick Drake, ça finira de m’achever.
Il est parfois amoureux mais plutôt maladroit, se fait plaquer, fantasme sur la voisine quand son mari est parti, réfléchit plutôt avec son entrejambes et se tape une suspecte tout en évitant des tirs de chevrotine. Un anti-héros mais pas vraiment. Juste un type désabusé par le pays dans lequel il vit malgré tout, et qu’il refuse de fuir. Il n’y a qu’en Ulster qu’un bout de littoral aussi charmant peut-être saccagé par une telle monstruosité de style soviétique.
Il picole un peu n’importe quoi, beaucoup, il dort peu et est tout le temps interrompu dans son sommeil, il bouffe des céréales en pleine nuit au son des bombes qui explosent au loin. Il roule un joint de temps en temps avec une jeune fille de passage mais Duffy croit en ce qu’il fait et met un point d’honneur à aller jusqu’au bout. Jusqu’à en être quasiment suicidaire parfois.
Son enquête, un cadavre découpé en morceaux, décongelé puis retrouvé dans une vieille valise, lui vaudra de se retrouver sur les traces de John De Lorean, créateur de la fameuse DeLorean DMC-12, équivalent irlando-américaine de la célèbre Fuego française qui aura son heure de gloire au cinéma grâce à Robert Zemeckis et Retour vers le futur…Et oui. Ce bijou éphémère (1981-1983) au look…périssable, était produit à Belfast par un sulfureux industriel américain qui finira par se faire serrer par le FBI, condamnant ainsi la carrière prometteuse de sa vilaine voiture de sport…
Bref, une enquête haletante et un personnage attachant, un sorte de surdoué ingérable, un peu comme Georges Best son idole proclamée.
Une chose est certaine, j’attends le prochain Duffy.
Dans la rue j’entends les sirènes, Adrian McKinty, éditions La Cosmopolite Noire, Stock