La seule chose qu’ils avaient héritée de leurs ancêtres, c’était un foie fragile, ils étaient saouls au bout de trois bières, ça faisait rire les blancs. Ils rentraient ivres à la réserve, ils avaient beau connaître la route par cœur, ils oubliaient toujours un virage, ils rentraient à pied, abandonnant l’épave de leur voiture achetée à crédit.
Retour sur les bords du Pacifique. Côté pluvieux. Côté crade et oublié. Au bout de l’état de Washington, en haut à gauche sur la carte, à la fin de la route, une nation indienne, les Makahs, n’en finissent plus de crever d’ennui, d’alcoolisme et de honte. Chaque jour un peu plus, ils ont perdu leur identité qu’ils ont noyée dans une oisiveté sponsorisée par le gouvernement américain. « Bois et meurt en silence » pourrait être le mot d’ordre à l’égard de cette communauté de zombies qui ne sont plus tout à fait indiens mais qui ne seront jamais blancs. Des parias folkloriques.
Stud et Percy, frangins ordinaires, ombres médiocres déambulent dans la réserve en attente de rien. Notre activité principale, c’est s’emmerder. Stud revient de prison, il y a passé trois ans, il rentre transformé, habité par le souvenir de ce qu’il est vraiment, un Makah. Avec son frère et une bande de Pieds Niquelés locaux plus dignes du Full Monty que des Sept mercenaires, il va nourrir l’idée folle de faire renaitre les traditions et en particulier celle de la chasse à la baleine, pratique ancestrale pratiquée par les Makahs.
Peut-on encore sauver la nation indienne? Y a-t’ il encore une nation indienne? C’est du délabrement des choses dont il est question ici dans un paysage de médiocrité humaine absolue.
La condition indienne est considérée comme mineure par rapport à la condition animale. On se mobilise pour les baleines. Pas pour les hommes. On a fait son choix du côté de la bienpensante Amérique. Mieux vaut sauver l’animal que de préserver l’indien. Il n’a qu’à se conformer. Après tout, l’Amérique est tellement parfaite, lui l’indien qui n’arrive pas à s’en accommoder, dont les réserves ressemblent à des décharges, peut bien crever la gueule ouverte. Il est la honte du pays.
La vérité c’était que les blancs avaient réduit une
nation souveraine, un peuple entier, qui régnait sur des milliers de kilomètres
carrés, à quelques centaines d’individus consanguins.
Un roman triste et pathétique, un pavé parfois un peu long. Je l’avoue, il ne passe finalement pas grand-chose au cours de ces cinq cents pages. Mais c’est toujours pareil, quand on passe autant de temps avec des personnages, quand ils sont aussi bien décrits, sur autant de pages, malgré leurs défauts gigantesques, on finit par s’attacher à eux…
C’est donc une Histoire trouble de l’Amérique qu’à écrite Frédéric Roux à travers ce récit basé sur des faits réels. Et l’Oncle Sam fait la gueule.
L’hiver indien, Frédéric Roux, éditions Grasset