J’aurais dû me méfier du titre. Tout était dedans.
J’avais adoré la préface qu’il avait écrite pour « l’Atlas des îles abandonnées ». J’avais été impressionné par son phrasé simple, puissant et poétique. Par sa perception de l’océan, par sa capacité à sublimer un univers qui m’est complètement étranger…Alors j’ai craqué. J’ai acheté son dernier opus. Encore une fois, j’aurais dû me méfier du titre…
Quand De Kersauson parle de la mer, il est génial. Hyper poétique, sans concessions, on imagine le loup de mer à l’image de son mentor, Eric Tabarly. Le marin abandonne la compétition et évoque la petite mort du sportif avec des mots très justes. Il parle magnifiquement de la vie à bord, des rapports forts entre les hommes, des silences, de la brume dans la rade de Brest, du Cap Horn, endroit béni. « Cette belle-houle-grosse, forte du Horn, elle vient de l’Océan indien depuis des milliers de milles, elle a été regonflée par des dépressions- Je me demande comment le vent a fait pour donner à la mer cet aspect de collines… »
De Kersauson est très bon quand il parle de la solitude, un isolement qu’il a recherché au point de rejeter la terre. « La solitude est le seul moment réel de notre vie. La vie réelle est dans la solitude. L’émotion est solitaire. » Il prend du recul sur ses exploits, revient sur ces moments qu’il n’a voulu partager avec personne. Se sent privilégié, vaguement au-dessus du lot, même s’il s’en défend : « Ce qui était drôle c’est que nous étions des milliards d’individus dans le monde et que j’étais manifestement le seul en train de faire ça. C’était une promenade géographique, un peu philosophique aussi.»
Le problème, parce qu’il y en a un, sérieux même, c’est que son essai aurait dû s’intituler « L’Océan tel qu’il me parle. » Là, j’aurais oublié volontiers que De Kersauson était aussi l’ancien chroniqueur franchouillard des Grosses têtes, celui qui occupait un siège de choix auprès des Bouvard, des Jean Amadou, des Guy Montanier et des Carlos (le terroriste musical) de ce monde. « Question de madame Bellepaire de Loches, Bonne réponse de l’Amiral ». De Kersauson est un malin, un intelligent, un futé à la répartie hors catégorie qui s’est fabriqué une image d’ours mal léché, qui s’est fait une réputation de brutasse des plateaux, prêt à renvoyer dans ses 22 le premier chroniqueur à la mode qui la ramènerait un peu trop. J’aurais voulu oublier que sous des dehors hyper humanistes à la philosophie de comptoir douteuse : « Le temps est la matière la plus précieuse du monde – Justement parce qu’on ne peut pas l’acheter. Sinon les riches vivraient très vieux ! », le marin est aussi un vieil aristo resté coincé au temps du général et dont les pensées « terrestres » puent le varech à plein nez…« Je regarde avec consternation, tous ces types qui courent à l’hôpital assister à l’accouchement de leur femme. La maternité est une affaire de femmes. Pas une affaire d’homme. » Sans déconner…
J’ai fini ce bouquin les yeux ouverts et le nez bouché, vaguement nauséeux, coincé entre la poésie des pages dédiées à la mer et le cœur au bord des lèvres face à ce déferlement de poncifs mi- niais, mi- réacs…
« Vivre est un privilège. Ce n’est pas un dû. Alors on doit avoir la politesse, l’élégance, de profiter du fait d’être vivant pour que cette vie soit belle. » Plus belle la vie…Un café, vite ! J’ai la gerbe.
Le monde comme il me parle, Olivier de Kersauson,éditions du cherche midi
3 réponses à “Le monde comme il me parle – Olivier de Kersauson”
Très drôle…
Merci 🙂
Une petite erreur il me semble à la page 47 du livre : « …j’allais à la pêche avec lui sur la plage du Moulin de la Rive, près de Lorient. »
La plage du Moulin de la Rive est près de Locquirec et non de Lorient.