« J’avais peut-être atteint le seuil de mes errances. La lassitude qui arrive inévitablement à celui qui n’a jamais choisi. »
Voilà un livre étonnant. Un livre dont je sors avec la gueule de bois des nuits pourries par des rêves foireux.
Oui, Ocean Park ressemble à cet état nébuleux dans lequel une nuit agitée nous plonge parfois. Une sorte d’entre-deux pas clair, une ivresse sans alcool. La faute à Ludovic Debeurme et son histoire inquiétante qui nous promène dangereusement sur le bord d’une falaise, toujours au bord du cauchemar, sans jamais y sombrer vraiment.
Itinéraire de deux hommes à la recherche de leur vie. Deux frères, aujourd’hui adultes, abandonnés par leurs parents à la sortie de l’enfance, deux âmes en peine qui ne savent même pas ce qu’elles fuient, ni ce qu’elles cherchent.
L’un se réfugie dans le sexe et parcourt les rues de Paris à la recherche de nouvelles partenaires. L’autre, devenu SDF, erre de port en port avec sa tente igloo sous le bras, dans laquelle il se cache dès qu’il le peut, véritable substitut du ventre de la mère absente. Il rêve de devenir un arbre, cherche la forêt ultime quelque part au bout du monde, s’entraine à devenir un oiseau.
Une lettre arrive, le père annonce la mort prochaine de la mère. Alors qu’elle va mourir, elle souhaite revoir ses deux fils.
Les deux frères se retrouvent au bout du monde, errent, silencieux, en marge de la civilisation, s’en approchent pour mieux s’en détacher violemment, jusqu’à ce qu’il atteignent cette île volcanique au milieu du Pacifique où leurs parents se sont retirés du monde.
Une dernière partie aux allures de Jugement dernier, une Apocalypse salvatrice avec au bout de la mort, le retour à la vie.
J’ai lu la dernière page avec l’impression d’avoir bu la tasse. Ocean Park est un livre qui tangue, qui nous éloigne de la terre ferme. Et c’est bien le talent de Ludovic Debeurme qui parvient à installer cette ambiance inquiétante et onirique. Je ne saurais pas à quoi comparer ce roman, j’ai des dizaines d’images en tête. Ce livre est très visuel et le fait que son auteur soit pour l’instant plus connu pour ses BD, n’y est bien sûr pas étranger…Je me suis baladé entre Michel Gondry côté Eternal sunshine of the spotless mind, et les films de Jeff Nichols, pour le côté inquiétant.
Bref, je ne relie à rien de connu ce roman étonnant, ou alors peut-être, de loin, à Moon Palace de Paul Auster, cette quête identitaire à l’écriture simple et forte, très riche, que j’aurais envie de qualifier d’ovni littéraire tant il apporte quelque chose de nouveau dans le paysage.
J’ai adoré cette histoire, ce mauvais trip déguisé en fable moderne. Je vous la recommande bien sûr et tant pis pour la gueule de bois.
Ocean Park, Ludovic Debeurme, éditions Alma