Celui-là, je l’ai choisi uniquement pour sa pochette. Quand je suis tombé dessus, par hasard donc, je me suis retrouvé en face d’une vieille photo de famille. Une image du passé, bien réelle pourtant et bien installée dans ma mémoire. Cette petite fille, clope au bec, je la connaissais, elle me parlait, ça faisait plus de vingt ans que je la côtoyais.
En 1991, Dinausor Jr, combo bruitiste américain, leader avec Sonic Youth d’une vague mélodico-hardcore antibush (père, mais déjà empêtré dans les sables), Dinausor Jr donc, emmené par le légendaire J. Mascis, troubadour post-punk aux allures d’éternel étudiant en chimie, cheveux longs, raidis par la crasse, épaules basses, voix lasse, sortait l’album « Green Mind », un de ses meilleurs, avec pour pochette, une gamine, cheveux au vent et clope au bec. La même gamine.
Mon sang, chaud comme une baraque à frites, ne faisait qu’un tour, je saisissais le livre pour ne plus le lâcher. Comme le monde tourne autour de mon nombril, ce livre était forcément un message qui m’était adressé. C’était évident.
« Jamais elle n’aurait imaginé qu’il fût si physique d’ouvrir un crâne à la pioche. »
Ah oui…Petite louve n’est pas une recueil de poésie. S’il est vraiment très bien écrit et totalement maitrisé, c’est avant tout un polar salement écorché que Marie Van Moere a écrit. Sans aucun compromis. Une chasse à l’homme, aux femmes plutôt, sur les hauteurs corses. Silences, phrases courtes, suspense, atmosphères étouffantes, tout est là.
Une petite fille se fait violer par un salopard de la pègre marseillaise. Séisme et fin de la vie familiale. Les parents réagissent, comme ils le peuvent, mais ils suffoquent et le couple se sépare quelques temps après le drame.
La mère ne vit plus que pour se venger. Elle passe à l’acte et déclenche un déchainement de violence, un véritable cyclone, dont on ne sait pas, jusqu’à la fin, qui pourra bien en réchapper.
J’ai lu ce roman en apnée, incapable de le refermer. La faute à Marie van Moere, que je ne connaissais pas -c’est son premier roman- la faute à son écriture serrée, tendue, économe, presque masculine, qui ne nous laisse jamais, jamais respirer.
« La petite vous allez la trimballer comment ? Vous souffrez encore et les plaies sont à peine refermées. Il n’y a que les paumes de vos mains qui aient vraiment entamé leur cicatrisation. Elle est bien chez moi. Vous êtes bien, vous aussi. Et vous êtes en cavale. Laissez-moi prononcer ces mots. Vous êtes en cavale. Ce ne sont pas les flics qui vous trouveront les premiers. »
Voilà donc. Vingt-trois ans après que la photo de Joseph Szabo m’ait fait connaitre un des disques qui ont marqué mes vingt ans, la petite fille à la clope est revenue me visiter sous la forme d’un roman noir magistral, œuvre d’une jeune auteure corse, dont on ne sait pas encore grand-chose mais qui ne restera pas inconnue très longtemps, c’est certain.
Petite louve, Marie Van Moere, éditions La manufacture de livres
4 réponses à “Petite louve – Marie Van Moere”
J’étais sûre que tu allais écrire dans ton article que c’était la même gamine que sur le Dinosaur Jr parce que je m’étais fait la même réflexion en voyant le roman en librairie 😉
(d’ailleurs lapsus révélateur dans ton billet, tu parles de *pochette* et pas de couverture ;))
J’ai le sentiment qu’On a quand même un peu la même culture ! 🙂
Je pense aussi 🙂
Par contre j’avais parié (avec moi-même) que tu allais écrire dans ton billet sur Son of a gun que c’était une chanson de Nirvana et je me suis plantée …
Ah je n’étais pas fan de Nirvana…sans doute pour ça