Tom à la ferme, Martine à la plage et Mémé dans les orties ?
La bande annonce était tout de même intrigante. Sobre et soulignée par une musique inquiétante, elle nous plongeait dans un univers angoissant à la Haneke. Cet intrus, ce gamin blond peroxydé au visage fatigué qui débarquait dans une ferme enveloppée dans le brouillard, qui s’endormait sur la table de la cuisine, et puis soudain cette débauche d’images violentes ultra speed. Oui, il y avait comme une promesse dans cette bande annonce. J’en étais presque inquiet en achetant mon billet. Le travelling du départ et la prise de vue aérienne de cette voiture qu’on suit comme celle de Nicholson quand il monte les lacets qui le mènent à l’hôtel de Shining…Inquiétant je vous dit.
Le problème, c’est que j’avais adoré le dernier film de Xavier Dolan, Laurence Anyways, et que le jeune québécois débarque à chaque fois, malgré lui, précédé d’une réputation d’enfer. Mes attentes étaient donc élevées, très élevées, trop élevées.
Si j’étais dur et sans cœur, je dirais que le meilleur est dans la bande annonce. Tout y est, malheureusement. Le film oscille entre drame psychologique et thriller à la Hitchcock, et même si le propos, le scénario original, est passionnant – Tom débarque dans le trou du cul du monde pour assister à l’enterrement de son petit copain et se retrouve coincé dans l’anxiogène famille du défunt – Dolan appuie trop sur les artifices qui créent l’angoisse. Musique inquiétante beaucoup trop marquée (on dirait Scream !), maquillage parfois outrancier, plans un peu trop insistants sur des visages torturés. Le film aurait beaucoup gagné en sincérité sans ce trop-plein d’effets superflus. J’ai eu l’impression désagréable de voir Dolan penser ses plans, imaginer la recette pour qu’ils soient réussis. Ce n’était pas le cas dans les films précédents, surtout pas dans Laurence Anyways. Il y a un côté volontairement lent qui s’approche parfois de la posture esthétique et qui me dérange carrément. J’ai le sentiment que Dolan n’arrive pas à choisir son style. S’il veut faire un thriller, qu’il le fasse ! Qu’il innove ! Dolan est un surdoué, qu’il invente ! Mais qu’il ne prenne pas un plan à Hitchcock, un autre à Haneke et un dernier à David Lynch (même si la scène en question, collection de visages proches de la folie, est la meilleure du film).
Bref, je suis déçu parce que j’y ai vu les défauts d’un débutant…
Bon. Je relis ces quelques lignes et je me dis que je suis quand même un beau salopard…Tom à la ferme est bien loin d’être aussi nul que j’ai l’air de vouloir le dire. Si c’était un premier film on crierait même au génie. Mais voilà, Xavier Dolan a déjà prouvé une ou deux choses et on est en droit d’attendre plus des gens qu’on admire. C’est vache (Non, ce n’est pas un de jeu de mots foireux en rapport avec la ferme) mais c’est ainsi…
Les deux acteurs qui accompagnent Dolan dans la bouse québécoise (je ne parle que du décor), sont formidables et méritent d’être cités. Lise Roy tout d’abord, mère en deuil au bord de la folie, au regard habité, qui m’a rappelé certains personnages féminins chez Lynch (la mère de Laura Palmer ou celle de Lula), et puis Pierre-Yves Cardinal, le sosie vieille France de Ben Aflleck, qui atomiserait d’emblée tous les concours de l’amour est dans le pré s’il y participait…En fait, quand j’y repense, je me dis que c’est dommage que Xavier Dolan se soit attribué le premier rôle. Il aurait beaucoup gagné ,à mon avis à rester sur la touche. D’ailleurs, il ne jouait pas dans Laurence Anyways. Et comme le dirait Ryan Giggs, à quelques jours de la Coupe du Monde, Entraineur-joueur, c’est un métier.