J’arrive au bout de mon panier surprise Alma. Au salon du livre, j’étais passé les voir avec un caddie.
Papa a dit que ça ne servait à rien, que Bobby était parti au paradis des chiens. Alors il a pris Bobby dans ses bras, s’est approché du bord, et l’a jeté du haut de la falaise en murmurant « Maintenant envole-toi Bobby ». Non seulement Bobby ne s’est pas envolé, mais il s’est écrasé en bas à une vitesse impressionnante. Papa aurait pourtant dû savoir que Bobby ne savait pas voler.
Décidément. Après m’être plongé dans les univers d’Arnaud Dudek, Ludovic Debeurme et Thomas Vinau, je commençais à avoir une idée assez précise de l’univers Alma. Des histoires courtes et sensibles, des histoires d’hommes en mal de quelque chose, des écorchés à la recherche. Les hommes Alma (je parle des personnages) ne sont pas sûrs d’eux. Ils trébuchent, vacillent, sombrent ou et se relèvent. Je n’avais pas encore lu Guillaume Siaudeau -presque un nom de FC Nantes – qui s’inscrit tout à fait dans cette lignée d’écrivains délicats à la plume économe.
Tartes aux pommes et fin du monde, c’est l’histoire de ce jeune homme fragile, trop fragile, blessé par des épisodes de l’enfance qui ont rendu sa carapace un peu trop poreuse au moment d’entrer dans l’âge adulte.
Une rencontre charmante, la promesse du bonheur avec Alice et puis la rupture et la chute. Les certitudes qui s’envolent, le doute qui s’installe, la déprime et puis la dépression, jusqu’à envisager le suicide et le départ d’un monde qui n’a rien d’autre à proposer que la perte de ceux qu’on a aimés. Un flingue à la ceinture, le jeune homme tente de prendre le contrôle de la vie, quitte à décider d’abréger la sienne ou celle des autres, qu’ils soient rat ou pas.
J’ai souri, il a souri. Il a braqué ses yeux luisants sur mon immobilisme de parking, sans se douter un instant que j’étais armé. Il s’en est fallu de peu pour que je l’envoie rejoindre le paradis des gérants obèses de supérette.
Mélancolique et contemplatif, il erre au cœur de ses souvenirs, repousse la fin du monde au lendemain.
Comment vouliez-vous que je ne tombe pas sous le charme délicat de cette déprime-là ? Il y a quelque chose de familier chez Siaudeau, un truc qui rappelle l’enfance, comme si son personnage avait refusé de grandir. La rencontre entre Alice et le garçon au supermarché a ce « je ne sais quoi » (comme disent les anglais) de charmant, naïf et désuet. C’est beau, on dirait des petits chats.
Je me méfie toujours de ces histoires d’enfants perdus au ton faussement léger. Il y a dans la deuxième partie, une certaine gravité infantile qui flotte dans l’air. On observe un gamin au-delà de la tristesse, le petit chat qui se noie, perdu dans des fringues d’adulte et qui voudrait se raccrocher aux branches de l’insouciance.
Touchant. Touché.
Tartes aux pommes et fin du monde, Guillaume Siaudeau, éditions Alma.