« Qu’est-ce qui se passe nom d’un chien ? » « Je sais pas », j’ai répondu en toute sincérité.
Il était temps que j’y retourne. Je venais de traverser les semaines post Coupe du monde dans une torpeur estivale coupable, une bière tiède à la main et l’album Panini de mon fils sur la table de chevet. Je me suis réveillé mi-août, en sueur, avachi sur le canapé, à la mi-temps d’un Brest-Angers aussi ennuyeux qu’on pourrait l’imaginer. J’ai éteint le téléviseur géant acheté à prix d’or quelques semaines plus tôt en l’honneur du triomphe de la Mannshaft et je me dirigé tel un zombie, claquettes aux pieds, vers ma librairie préférée.
Retour en douceur sur le ton de l’humour de qualité. Un chien dans le moteur de Charles Portis, l’auteur de True Grit, Road trip littéraire estampillé rigolo, sorti en 1979 aux Etats Unis et qui vient seulement d’être traduit et édité chez nous. Hmm…Peut-être pas un hasard si ce roman est resté inédit en France jusqu’à aujourd’hui. Une promesse, très belle. Un truc énorme qui se prépare dès la première page. Le narrateur s’est fait piquer sa femme par un collègue de bureau. Il piste les fuyards grâce aux relevés bancaires qui lui arrivent par la poste, il se prépare à les courser, on salive déjà à l’idée, on s’imagine chez McCarthy dans No country for Old Men, ça va saigner c’est certain, et si en plus c’est drôle, Bingo je rends mon abonnement à Canal + et à Be In Sports !
Mais certaines promesses ne sont pas faites pour être tenues et c’est bien là le drame et la faute en l’occurrence au narrateur, un nase ordinaire pas du tout féroce comme il pourrait le laisser croire dans la première page. Ray est un loser sur la route, un anti-héros dont tout le monde se fout et personne ne se souvient du prénom, même pas sa femme fugueuse.
« Mucho viento », j’ai dit. Il a opiné du chef, ramassé son vélo et il est parti. Beaucoup de vent. Quelle remarque ! Pas étonnant que tout le monde prenne les étrangers pour des cons.
Ray court après Dupree, l’amant, peut-être plus nase que lui encore, il traverse le Texas, le Mexique, descend, descend encore au gré du vent et des pistes foireuses. Il tombe sur un galerie de personnages médiocres et loufoques, retrouve la trace de sa femme et son amant à Belize, s’y embourbe littéralement et finit par ne plus trop savoir ce qu’il était venu chercher si loin de son Arkansas natal. Une errance. On sourit régulièrement à la lecture de cette balade en Buick rafistolée, on s’ennuie un peu aussi, comme le narrateur, devant cette torpeur maladive, cette république de la paresse, ces seconds rôles nonchalants, souvent bêtes et méchants. Il y a un côté désinvolte et brillant dans l’écriture de Portis mais aussi une forme de facilité dans l’énumération pathétique des péripéties du narrateur. Un côté le Fakir Ikea, le Vieux qui ne voulait pas, Orgasme à Moscou dans ce joyeux fatras qui au final ne tient pas vraiment la route.
Je garde une main sur l’album Panini.
Un chien dans le moteur, Charles Portis, éditions Cambourakis