La part des nuages – Thomas Vinau

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Bénis soient les jours fériés et les semaines de vacances. Bénis soient les lambeaux arrachés avec les dents à la hyène du temps.

Peu de mots. Le dernier objet littéraire de Thomas Vinau (j’ose à peine parler de roman) est un livre des sens. Un livre économe où chaque phrase, courte, détachée, juste, a sa propre musique. Où les mots, isolés, entourés d’éclat, ou de silence, sont autant d’évocations poétiques qui forment un décor singulier. Lumière, lenteur, odeurs, sons, tout y passe, même le goût (une bouteille de rosé enfilée au goulot qui révèle des effluves de grenadine, un parfum de sous-bois ou d’amande verte).

Ce qui importe à Thomas Vinau, plus que d’éventuels évènements, un scénario à rebondissements, une chute à chaque fin de chapitre, c’est la perception des choses et du monde qui entoure son héros fatigué. Joseph, 37 ans est un papa attentionné, moderne malgré lui, qui vit une vie monotone au rythme d’horaires qu’il n’a pas choisis et de collègues aux sourires tièdes. Alors que son fils Noé rejoint sa mère pour quelques jours, Joseph se retrouve seul face à la vacuité de son existence. Détaché d’un monde qu’il a envie de rejeter, il décide de laisser parler ses sens et de vivre en accord avec lui-même, en harmonie avec l’univers qui l’entoure. Joseph contemple, ralentit, regarde le ciel et les nuages, apprivoise l’ordre naturel des choses, s’assoit à la marge et observe le mouvement des autres, ceux qu’il ne veut plus être.

Au loin le mouvement se calme. On ne doit pas être loin des neuf heures. La première vague des trimeurs est passée.

Il n’y a pas tant de choses que ça à dire sur La part des nuages. La poésie ne s’explique pas. Certains trouveront sans doute le message un peu naïf, empreint de bons sentiments, on reprochera peut-être à l’auteur son scénario un peu bref, mais Vinau est un peintre délicat. Il ne cherche pas nécessairement à imposer une histoire. Il fait confiance à son lecteur, il le guide mais le laisse librement admirer les décors qu’il a façonnés. Je me suis beaucoup baladé en lisant La part des nuages. Je me suis parfois retrouvé chez Manu Larcenet (Blast), je suis allé faire un tour chez Giono (Je sais pas trop ce que je foutais là…) Les mots de Vinau sont tellement évocateurs qu’ils favorisent le vagabondage de l’esprit. Et on se dit qu’on pourrait, comme Joseph, apprivoiser le temps, ou au moins ne pas s’en soucier, lever le nez de temps en temps, observer les nuages, les regarder passer.

Il a dû s’endormir. Comme ça, à regarder le vent et le ciel. A regarder les gens qui vivent, un chien, une fille. C’est un spectacle reposant. Les gens qui évoluent.

 La part des nuages, Thomas Vinau, éditions Alma

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