Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier – Patrick Modiano

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Pendant quelques minutes, il n’avait rien reconnu, comme s’il avait été frappé d’amnésie et qu’il n’était plus qu’un étranger dans sa propre ville.

 Mémoire, oubli, souvenirs, brouillard, buée, boulevards déserts, numéros de téléphone associés à des noms qui ne rappellent rien. Fantômes du passé, notes, vielles photos, carnet noir de Moleskine, oui, oui, c’est certain on est bien chez Patrick Modiano. Rien ne ressemble à la langue de Modiano et son éternel jeu de piste esthétique pour mémoires engourdies.

Le téléphone sonne dans l’appartement trop calme de Jean. Un téléphone qu’il n’a plus utilisé depuis des mois et qui sonne comme une menace. C’est le passé et son fantôme qui viennent perturber ce début d’automne beaucoup trop chaud. Jean décroche et s’enfonce dans les brumes de son enfance. Enquête sur un fait divers, légère paranoïa, personnages inquiétants, rendez-vous secrets, tout est là, tous les ingrédients sont réunis. Le début m’a rappelé la Trilogie New Yorkaise de Paul Auster. Seulement le début. Remplacez New York par Paris évidemment. Je suis rentré dans ce roman comme on rentre dans un bain chaud. Je me suis laissé envelopper, je n’ai pas voulu le lâcher avant de l’avoir terminé. Magistral.

Il n’y a que Modiano pour persister à écrire le même bouquin à chaque fois, ressasser ses obsessions avec la même recette et parvenir malgré tout à susciter l’admiration générale. Variations sur le même thème. Les romans de Modiano se suivent et se ressemblent avec bonheur. Le poids d’une enfance malheureuse, l’incroyable force paralysante des souvenirs, l’importance des lieus, des adresses, des notes sur un carnet, les rues désertes ,les boulevards la nuit éclairés faiblement par le halo embrumé des lampadaires. Les ingrédients sont toujours là, ses personnages toujours un peu confus, un peu perdus, comme s’ils déambulaient sans repères dans les méandres de cerveaux usés par le poids du passé. On est toujours à mi-chemin entre le rêve et la réalité, on se méfie, comme Jean, on se refuse à ouvrir certains tiroirs ,à confronter sa mémoire.

A force de lire ses romans, à les aimer, je me suis aussi habitué à ses personnages secondaires, cette armée d’ombres menaçantes, souvent secrète, obscure, que l’on devine plus qu’on ne connaît, qui rôde, lente comme une cohorte de revenants.

En fait, Modiano écrit des histoires de zombies, d’ombres malfaisantes aux contours pas très clairs qui entourent ses héros fragiles et bancals. Avec Modiano, on se demande parfois si on n’est pas en train de rêver, si on n’a pas déjà rencontré tel ou tel personnage au détour d’un roman précédent. D’ailleurs je l’avoue, je les ai presque tous lus ses romans et je les ai tous adorés. Mais je serais infoutu d’en détacher un de ma mémoire, comme ça et d’expliquer pourquoi il m’a touché plus qu’un autre- Une exception notable, Un Pédigrée – Ces romans sont des rêves. Forts, récurrents, obsédants. Ils m’habitent en permanence mais je serais incapable de les raconter. Drôle de sorcier ce Modiano

À son retour chez, il se demanda s’il n’avait pas rêvé. C’était sans doute à cause de l’été indien et de la chaleur.

Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano, éditions Gallimard

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