Il faut quand même, de temps en temps, essayer de se souvenir. Oui, on était rockeurs, irrévérencieux, on détestait la norme. On n’aimait que les aspérités, on rejetait tout ce qui pouvait paraitre même de loin, un peu trop lisse. C’était une posture bien sûr, mais c’était la nôtre, elle nous définissait. Nous aimions le rock gras, les guitares un peu crades, le son garage et le message « Fuck you all » qui l’accompagnait. Un côté volontairement négligé qui délaissait les effets au profit de l’énergie. On était nés du punk, forcément, même si on n’en avait connu que les funérailles. Alors on s’accrochait aux héritiers à qui on prêtait toutes les valeurs et les vertus. Les Thugs revendiquaient l’influence des Sonics, d’autres encensaient les Stooges. Nous, nous étions trop jeunes, on n’en avait rien à battre du passé, à vingt ans il n’y a que le présent qui comptait. Nos héros s’appelaient The Gun Club, Fugazi et les Thugs.

Parquet courts, que je découvre sans doute après la bataille, c’est l’énergie rock de nos vingt ans. La même. Ce matin, je prends d’assaut la sono familiale, je vire d’un bon coup de pied au cul les fabulettes de Tchoupi, j’investis la place, Dr Martens au pied, je retrouve un T-shirt mal coupé aux couleurs passées, je fais trembler les murs du voisin grincheux (celui qui fait chier pour que je taille mon pommier) à grands coups de riffs nerveux. Prend ça, réac à deux balles, prend Black and white et Ducking and dodging dans la tronche, découvre les héritiers de Jeffrey Lee Pierce et incline toi. T’as peut-être été jeune aussi le voisin, il y a longtemps, on ne sait jamais, on peut rêver.

Va pas tarder à cogner à la porte…