Pour un étranger, cependant, l’endroit peut se révéler écrasant. Il n’est pas spectaculaire ni d’une splendeur de carte postale, comme les fjords de l’Ouest, il est simplement âpre, apparemment désert et, le soir, si vaste et immobile qu’il pousse même le plus pragmatique à penser aux esprits.
Le soleil de minuit au nord la Norvège, quand la nuit refuse d’accompagner le sommeil, fait parfois disparaître la fine frontière entre perception, rêve et réalité. Kvaløya, île presque déserte, parsemée de villages minuscules, peuplée d’âmes solitaires et baignée de légendes en tout genre. Rien ne s’y passe jamais. Les saisons meurent en silence dans les eaux noires du détroit de Malangen. Angelika Rossdal, peintre reconnue passe des heures dans son atelier alors que sa fille Liv traîne sa fin d’adolescence solitaire dans les collines avoisinantes. Peu ou pas de contacts avec le monde, quelques voisins, figures masculines discrètes, presque effacées qui passent, attirées par la beauté insaisissable de la mère.
Mats Sigfridsson, un gamin du village est retrouvé noyé dans le détroit. Une semaine plus tard, son frère meurt dans les mêmes circonstances et les anciens commencent à évoquer sans jamais vraiment la nommer, une figure légendaire mangeuse d’hommes, une créature légendaire, la huldra, qui viendrait prendre des vies au gré de ses désirs.
Maia, une jeune fille un peu bizarre rôde sur les collines. Martin, touriste écossais timide, un peu voyeur a loué une cabane pour l’été et parcourt la grève, seul. Inquiétant tableau, lent et menaçant, inondé de la lumière trop forte de l’été. La huldra va revenir et emporter d’autres vies, c’est annoncé. Existances secrètes et solitaires, rien ne se dit tout se cache, tout se devine. Les rares habitants se tournent autour sans jamais vraiment se rencontrer.
Silence domestique. Liv et sa mère ou l’histoire d’une relation mère-fille noyée dans le secret, dans le non-dit absolu d’un couple fusionnel et distant à la fois. Liv sent la menace peser sur ses épaules, elle sent la force des esprits rôder autour de sa maison, elle pressent les drames qui se préparent, elle s’enfonce dans une noirceur qui altère sa perception. A-t-elle réellement vu ou a-t-elle imaginé cette scène au bord de l’eau ? A-t-elle vraiment entendu ce cri déchirant qui ne peut être que celui de la huldra ? Et ces disparus, ces corps qu’on n’a jamais retrouvés ?
John Burnside joue avec nos sens, il nous entraine dans ce thriller qui navigue entre folie et surnaturel. Il nous endort aussi, nous fait ressentir la lenteur, la noirceur et l’immobilité de cette région trop au nord pour ne pas y faire cohabiter les esprits et les vivants. Le roman, très contemplatif, est habité par des images de forêt, d’eau glacée, de prairies en fleurs. La peinture y est également présente à travers les œuvres de Harald Sohlberg. On referme le livre, un peu troublé et on ne sait plus vraiment, qui est fou, qui ne l’est pas, on allume la radio car le silence est dérangeant. Une nuit passe et on y pense encore.
Merde, le roman est hanté.
L’été des noyés, John Burnside, éditions Métailié
3 réponses à “L’été des noyés – John Burnside”
Oui le roman est hanté mais aussi un peu poussif …… non ?
Je reste sur l’enthousiasme de son precedent : scintillation …une petite merveille !
Poussif, je ne sais pas mais un peu lent c’est certain…
Scintillation , merci pour le tuyau , je le lirai !