On est arrivés sur la pointe des pieds, presque en retard. On n’avait rien compris, on voulait seulement aller au cinéma. On ne savait même pas que Tiens-toi droite n’était pas encore sorti et qu’on venait de prendre des billets pour une avant-première. On avait bien vu l’affiche, Katia Lewkowicz dont on avait aimé le premier film Pourquoi tu pleures, Marina Foïs, Laura Smet et surtout Noémie Lvoski, qu’on adore.
C’est sans doute quand on a aperçu les ouvreuses à l’entrée de la salle qu’on a fini par comprendre. Les ouvreuses, un truc des années 80, pas une spécialité UGC. Effectivement, il y avait bien anguille sous France Roche. Quand on est rentrés dans la salle, pleine comme un œuf, on a bien aperçu une douzaine de personnes alignées, micro en mains devant l’écran. Vu qu’il n’y avait presque plus de places, on s’est installés (discrètement) au deuxième rang. C’est là qu’on les a reconnues, Noémie Lvovski, Marina Foïs, Katia Lewkowicz et Laura (ohohoh Laura, y a tant d’hommes que je ne suis pas…). Lunaire. On était juste venus voir un film. Pas les acteurs ! Du coup, le film, j’avais vraiment envie de l’aimer, j’aurais même adoré en être fan et changer un peu l’histoire, dire qu’on l’avait fait exprès ! Mais en fait, non.
Marina Foïs nous avait bien prévenus, ce film est un OVNI. C’est vrai et c’est même sans doute un « understatement » comme ils disent chez les britons.
Dès les premières secondes du film, Tiens-toi droite impose son rythme survolté, effréné, proche de l’hystérie collective. On nous parle de trois femmes et de leurs parcours, trois femmes à cent à l’heure, qui cherchent à s’accomplir, à s’affranchir, à vivre de toutes les manières possibles et imaginables. Laura Smet, Lili est une miss francophone libre et indomptable, très difficile à suivre, en quête de tout, charmante au possible et foncièrement insaisissable. Marina Foïs, Louise, gère sa vie sans respirer (littéralement), se déplace comme un insecte (toujours à fond, demi-tours sur elle-même, chorégraphies permanentes, mouvement perpétuel), elle cherche à se réaliser dans le travail, est prête à physiquement péter la gueule à tous ceux qui oseraient la regarder en face, baise avec son patron (Trente secondes max dans un couloir sombre), part en courant, revient en griffant. Noémie Lvovski, mère de famille nombreuse, dépassée par sa tribu, court du matin au soir entre boulots alimentaires, mari encore plus dépassé, filles pré pubères, aussi présentes et bruyantes qu’une bande de pintades en rut. Tout ce petit monde se jetant en hurlant sur une pellicule dopée par des dialogues courts, punchy, justes et souvent drôles, caméra épaule pas stable, mise en scène chorégraphiée, plans de moins de deux secondes, montage ultra serré, ultra speed sponsorisé par Red bull. Allo, est-ce qu’on peut respirer une seconde ou bien ???
C’est une histoire de femmes qui se veulent attachantes, des filles qui luttent dans un monde d’hommes qui leur répètent à longueur de journée « sois belle et tais-toi ». C’est un propos essentiel bien sûr et j’aurais adoré adhérer. Mais je suis sorti groggy de la salle après les applaudissements obligatoires (pas Staliniens non plus), de rigueur.
Ce film est un OVNI absolu, c’est certain, son rythme incroyablement soutenu est inédit. Personne n’avait osé jusque-là. Du coup, j’ai regardé Tiens-toi droite comme je fais du jogging (peu). J’étais bien pendant le premier kilomètre, dans le peloton de tête, et puis j’ai décroché à mi-course et terminé dans la voiture-balai. Dommage.