Le vent forcissait en provenance du sud-ouest, balayait le sommet des falaises et, sur son passage, couchait à terre tout ce qui avait le malheur d’y pousser.
J’ai tellement adoré Fin McLeod, ce flic paumé, entre deux âges qui se retrouvait un peu contraint et forcé, obliger d’enquêter sur Lewis, l’île balayée par les tempêtes de l’Atlantique nord où il avait grandi. J’avais adoré ces aventures solitaires, noires et exotiques, ce policier brumeux et tourbeux, cette ambiance insulaire impénétrable. La Trilogie Ecossaise était un modèle de roman noir et je guettais la sortie d’un nouveau Peter May. J’avais fait l’impasse, pourtant sur Terreur sur les vignes, sorti l’an dernier, un titre que je trouvais, au mieux, faiblard. Et puis Terreur sur les vignes, ça sentait le sud, le soleil, pas du tout un truc à la Peter May, non, j’attendais le retour de la tourbe et des tempêtes. Alors quand l’île du serment est sorti à l’automne, quand j’ai vu la couverture, j’ai compris qu’on y retournait, qu’on allait en reprendre pour plus de 400 pages fraîches comme une Guinness tiède.
L’île du serment ne se passe pas au large de l’Ecosse, enfin pas totalement. On oublie Les Hébrides, Lewis et Harris pendant quelques pages et on se concentre sur les îles de la Madeleine, minuscule archipel perdu quelque part entre la Nouvelle-Ecosse, le Québec et Terre-Neuve dans le golfe du Saint-Laurent. Un meurtre a été commis sur la petite île d’Entrée, un petit bout de terre à l’écart, peuplé de quelques familles seulement. On y envoie les policiers du continent , parmi eux Sime Mackenzie, flic insomniaque, taciturne, en instance de divorce, dont la femme fait aussi partie de l’équipe. Un meurtre à l’arme blanche, une suspecte, l’épouse de la victime, Kirsty Cowell que tout semble accuser.
Mais Sime qui ne dort presque plus, commence à ressentir un trouble particulier lié à des rêves éveillés qui le ramènent au journal intime de son arrière, arrière, arrière-grand-père débarqué d’Ecosse au XIXème. Le roman commence alors une série d’aller-retours entre enquête et récits venant du passé, des récits qui font écho au présent et qui laissent à penser que Sime le flic et Kirsty l’accusée se connaissent beaucoup plus qu’on ne pourrait l’imaginer.
Voilà un pitch bien excitant qui devrait augurer d’un chef d’œuvre du noir comme on l’aime, un page-turner au suspense insoutenable qu’on avalerait en quelques heures…Sauf que non. J’ai beau essayer de trouver toutes les excuses du monde à Peter May, que j’adore, me vautrer avec plaisir dans les descriptions de ces îles encore plus paumées que les précédentes, il y a quelques chose de vraiment tiré par les cheveux dans cette histoire de filiation et de serment qui traverserait les âges. Ok, je vais être super vache mais le scénario manque vraiment de sobriété. Dans la trilogie, tout était cohérent, ici, on divague et on reste accroché à ces va et vient entre deux époques, ces deux récits qui voudraient nous faire croire que l’intrigue tient à la promesse que l’aïeul de l’un a fait à l’ancêtre de l’autre, cent-cinquante ans plus tôt. Raté.
Et puis, quand rien ne va, rien ne va. Je n’ai pas retrouvé le style de la trilogie, un truc sobre et noir. Ici, je me suis noyé dans une langue ampoulée pas du tout en phase avec le propos. Je me suis même demandé si Peter May n’avait pas changé de traducteur. Mais non, même pas.
J’en suis le premier surpris mais je suis donc très déçu. Et je me console en feuilletant Hebrides son magnifique bouquin de photos (avec David Wilson), tout en palmiers, sable fin et ti-punchs sirotés sur un hamac surexposé.
L’île du serment, Peter May, éditions du Rouergue noir.