Il y en a eu d’autres le long du chemin, des hommes qui s’attardaient quelques semaines ou quelques mois avant de disparaître, des hommes que je ne me suis jamais soucié de remarquer et dont j’ai oublié les noms.
Le mercredi 26 octobre 1881 dans la ville de Tombstone, Arizona, une fusillade éclate, qui deviendra célèbre sous le nom d’OK Corral. Plusieurs héros de Far-west, représentants de l’ordre, Morgan et Virgil Earp, Doc Holliday et surtout Wyatt Earp, donnent la réplique en pleine rue à Frank et Tom McLaury, Billy Claiborne, Ike et Billy Clanton. Deux morts, plusieurs blessés et une légende en marche, largement relayée par Hollywood. Cent ans plus tard, Tombstone, la petite ville poussiéreuse, continue de vivre de sa légende et les américains y viennent en pèlerinage comme nos bigots font la queue devant la grotte à Lourdes.
Justin St. Germain a grandi dans cette ville, ballotté, avec son frère Josh, d’une maison à l’autre, baladé malgré lui, d’un beau-père à l’autre par une mère aimante et fragile qui ne savait pas vivre sans homme, quitte à se mettre en danger, en prendre plein la tronche et y perdre la vie.
Septembre 2001, Debbie, la mère de Justin est retrouvée morte dans le mobil-home pourri qu’elle occupe au milieu du désert avec son quatrième mari, Ray, un ancien inspecteur de police. Huit balles dans le corps, pas de meurtrier, le mari est introuvable. Dix ans après le meurtre, Justin revient sur les lieux du drame, enquête, rencontre les fantômes de son passé, nous entraîne sur les traces de cette mère insaisissable, toujours mal accompagnée par des hommes violents et fragiles qui ne s’exprimaient qu’avec la force. St Germain parle de solitude, d’ennui, de silence, de violence culturelle et totalement incurable avec le détachement désabusé d’un natif du coin. En Arizona, on vend des armes comme on vendrait des légumes ailleurs. Des colts, des armes automatiques, des sabres, des couteaux de combat, des AK47.
Son of a gun, c’est l’histoire vraie d’un meurtre annoncé, c’est le deuil d’un fils qui remonte le mécanisme pour mieux le dénoncer. C’est une histoire fabuleusement bien écrite, avec force et simplicité. Justin St. Germain, orphelin désabusé relate les jours qui ont suivi la découverte du corps avec un détachement proche de celui de Meursault dans l’Etranger. Une résignation étrangement détachée dans un premier temps, ce que l’auteur décrit comme la phase « zombie ». Puis, quand il revient sur place, dix ans plus tard, pour comprendre les mécanismes qui ont emporté sa mère, l’écrivain se heurte à l’impénétrabilité des lieux, à sa propre incapacité à exprimer sa peine et sa colère. On étouffe avec lui dans ce désert trop vaste. Comme lui, on a parfois du mal à respirer.
Son of a gun est un récit très fort, dans la veine de Ma part d’ombre d’Ellroy. C’est aussi et surtout une critique de l’Amérique, pays enfermé dans le propre piège de son histoire et de sa légende. A history of violence, à l’échelle humaine. Pas si simple d’être les enfants de John Wayne.
Quand je regarde ces vieux albums, je vois des armes partout
Son of a gun, Justin St.Germain, éditions des presses de la cité
3 réponses à “Son of a gun – Justin ST.Germain”
…l’avais croisé à America en Septembre , le gars est attachant. Tu me (re)donnes envie de le lire
J’aurais été curieux de le croiser. Le truc, c’est que j’ai mis cent pages à comprendre que ce ne n’était pas un roman mais que St Germain parlait de lui et sa mère. Je n’avais pas vraiment lu la quatrième de couv’… Je serais assez curieux de savoir ce que tu en penses.
si je le vois passer dans une de mes bibliothèques … 😉