-Donc vous êtes…du genre tueur au grand cœur, c’est bien ça ?-Je ne sais pas. C’est juste que je déteste qu’on me juge juste parce que…je tue des gens.
Un renard dans le poulailler. Ou le diable à la messe du dimanche. C’est un peu que pourrait inspirer l’errance comique de Tomislav Boksic, tueur à gages croate en cavale au pays des Geysers et de la lumière alternative. Quand Bokisc tue- il le faut bien- Le révérend Friendly, sa victime numéro 67 à l’aéroport JFK de New York, quand il vole ses vêtements, son passeport et son billet d’avion, rien ne laisse penser que cet exécuteur froid de la mafia slave, s’embarque pour une aventure aussi loufoque que bouleversante. Boksic débarque sur la lune, sur une île où personne ne tue jamais personne, une île où on ne peut même pas acheter un flingue, une île où il ne fait jamais plus de dix degrés, où le soleil ne se couche pas, où les filles sont chaudes comme des baraques à frites. Un No man’s land bizarre à mille lieues de la Croatie en guerre de sa jeunesse, un pays d’une naïveté confondante qui ne connait ni le crime, ni la guerre, une sorte de sorbet de Paradis où Boksic pourrait bien être tenté de se faire oublier et de refaire sa vie si la mafia slave voulait bien, elle aussi l’oublier.
Avec Helgason, on laisse vite tomber la carte postale, on oublie les paysages immaculés, le sac à dos et le bonnet et on est priés de chausser les santiags pour une visite rock n’roll/trash de l’île aux moutons. Galerie de personnages dingos, pas très nets, télévangélistes karatékas, disciples de Tarantino à tous les coins, gueules d’anges à la libido débridée, on se laisse vite embarquer dans ce polar souvent hilarant sur fond de champ de lave et de têtes de moutons à la vinaigrette. Sorti en 2008 en Islande, le roman d’Helgason vient d’être traduit en France suite au succès –Je l’avais adoré- de La femme à 1000°, autre grand moment de bravoure qui retraçait la vie tumultueuse d’une vieille islandaise alitée, en phase terminale, retranchée clope au bec dans un garage de la banlieue de Reykjavik.
Helgason est la preuve parfaite que la lumière du nord engendre des génies décalés toujours prêts pour une parfaite déconnade septentrionale.
L’été islandais est comme un réfrigérateur qu’on laisse ouvert pendant six semaines. La lumière est allumée et la glace fond, mais il ne fait jamais vraiment chaud. Ça reste un frigo.
Tiens, Birthday, un vieux Sugarcubes avec Björk en communiante, pour illustrer le côté zinzin de la cause.