Après le crime et ce qui va avec, l’autocensure.
On n’en finit pas de tirer notre gueule de bois et on aimerait bien passer à autre chose. Mais c’est compliqué. Ça reste compliqué trois semaines après. On est bien obligé de s’avouer que effectivement, rien ne sera plus jamais comme avant. Chaque jour apporte son flot de répliques sismiques et on s’efforce de sourire comme si de rien n’était même si on sait désormais qu’on est assis sur un faille et que ça pique un peu tout le temps maintenant. « It only hurts when I breathe » disent les ricains. C’est un peu ça quand même.
Charlie, avant, comme tout le monde ou presque, je m’en foutais gentiment. Je les trouvais aussi couillus que cons, je ne me sentais pas vraiment concerné. Ils sentaient bon la gaudriole franchouillarde et paillarde, c’est tout. Et puis il y a eu le tsunami. Alors j’ai eu envie de voir ce document, ce terrible prequel à l’horreur, l’histoire du procès des caricatures, un film essentiel pour comprendre comment on a pu en arriver là en se bouchant le nez et les yeux, en faisant comme si, en attendant que ça pète.
Petit rappel des faits : Le 8 février 2006, Charlie Hebdo publie la série des caricatures de Mahomet tirée du journal danois Jyllands-Posten. Cabu dessine la couverture, on y voit le Prophète qui se prend la tête entre les mains et déclare : “C’est dur d’être aimé par des cons”. L’Union des organisations islamiques de France, la Grande Mosquée de Paris et la ligue islamique mondiale engagent une procédure contre Charlie Hebdo pour « injures publiques à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur religion ». Le procès se tiendra à Paris du 7 au 8 février 2007 et se soldera par un non-lieu.
C’est évidemment un procès dont le sujet devient très rapidement la liberté d’expression, dont les débats parallèles appellent à s’interroger sur le rôle de la République dans le respect de la laïcité et sur le respect des religions dans une République laïque.
Passionnant. Et encore plus aujourd’hui. On est au printemps 2007, deux mois avant les élections et chacun se positionne. On est loin de l’Union sacrée, les politiques adoptent la pose, Sarkozy se fend d’un soutien aussi fort que théâtral en plein procès, ce qui lui vaut l’approbation et la gratitude hallucinée de Philippe Val alors que Georges Kiejman, avocat de Charlie ne peut réprimer une moue dubitative. Drôle. On voit aussi un Val désabusé devant le peu de soutien reçu par la gauche, Ségolène Royal n’apportant aucun soutien public et n’envoyant qu’un pauvre SMS laconique. François Hollande, alors secrétaire du PS vient lui témoigner en faveur de Charlie et affirme devant la caméra de Leconte, la nécessité de défendre la liberté d’expression comme si elle était notre bien le plus précieux. Il faut dire qu’après l’épisode des caricatures danoises, la communauté européenne s’était officiellement excusée auprès des musulmans. On était loin du 11 janvier et de la belle photo de famille…
Au procès, des acteurs formidables, résistants d’avant l’heure, Elisabeth Badinter juste et magnifique, toute la bande de Charlie, Val en première ligne bien sûr, Richard Malka et George Kiejman, les deux avocats de la défense et puis du côté des « méchants » mais il est payé (pas trop mal j’espère) pour ça, l’avocat Francis Szpiner, assez fabuleux dans son rôle, malgré un côté ultra-caricatural exacerbé par son verbe pointu et des effets de manches qui donnent le tournis. Face à la caméra et après un procès qu’il n’a pas pu gagner, il taille à grand coups de serpe tous les intervenants dont il n’a pas adoré les prises de positions…A propos de Val « Il rameute le banc et l’arrière banc en expliquant qu’on est en train d’égorger la liberté d’expression » huit ans plus tard, cette phrase mise en perspective…
Un document vraiment fort, 2,99 euros en VOD, qui nous nous met en face du relatif aveuglement sur lequel nous nous étions endormis. Nous dormions. D’un sommeil foireux certes, et parfois perturbé par les vilaines images qui nous parvenaient de pays où on avait décidé de toutes façons qu’on ne foutrait jamais les pieds…mais nous dormions.
Pour conclure, toujours Szpiner, à propos de l’ultra opiniâtre (et agaçante) Caroline Fourest « Mme Fourest a une très haute opinion d’elle-même)(et si elle commettait un crime passionnel, ça ne pourrait être qu’un suicide ». C’est vache et exagéré mais drôle. Une caricature en somme, non ? Alors What now, un peu d’espoir?
Une réponse à “C’est dur d’être aimé par des cons – Daniel Leconte”
Et que dire de Dieudonné… Grand moment de mauvaise foi… Il me fait de la peine Dieudonné. Si Marine Le Pen était Scarlett Ohara, il serait sa Mamma…
Mais quand même la plaidoirie de Richard Malka ne manque pas de piquant et me semble reposer sur des bases très pertinentes.