Les Événements – Jean Rolin

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Juste avant le coucher du soleil, une salve de roquettes s’est abattue sur le cours Sablon dans le voisinage de la caserne, tuant ou blessant trois ou quatre personnes.

 Avez-vous déjà imaginé à quoi ressemblerait la France en proie à une guerre civile ? Jan Rolin ne pouvait pas penser, bien sûr, alors que son livre arrivait à peine dans les rédactions, que notre mois de janvier allait éveiller, réveiller, animer, le sentiment dégueulasse que rien, peut-être, ne serait plus jamais comme avant, que notre petit Paradis gâté était, qui sait, quelque peu en danger.

Ça crie au loup dans tous les coins, Zemmour et Houellebecq dans le même panier,  le fantôme de Roger Giquel qui vient hanter nos smartphones, nos télés, nos radios, nos journaux. « La France a peur » et Yves Simon, ex-chanteur populaire devenu écrivain se remet à chanter sous sa douche « Qu’est-ce que sera demain, début ou la fin, début ou la fin… » La guerre civile en France version littéraire, il fallait oser…

 C’était un des petits plaisirs ménagés par la guerre, à sa périphérie, que de pouvoir emprunter le boulevard de Sébastopol pied au plancher, à contre-sens et sur toute la longueur.

Le roman démarre sur les chapeaux de roue dans un Paris éventré par les combats et des rues encombrées de carcasses de voitures. Le narrateur, qui possède un véhicule encore en état de marche, cherche à rejoindre le sud, tel un Mad Max béret-baguette, étranger à ce chaos calme incompréhensible, partisan d’aucun des camps belligérants, milices d’extrême droite, d’extrême gauche, islamistes, armée régulière, FINUF – force d’interposition internationale-

Ce personnage, témoin anonyme, traverse la France, la coupe en deux littéralement, lui dit adieu le nez en l’air, comme s’il cherchait à se souvenir de ce qu’il a tant aimé. Et c’est le contraste qui saisit. Entre le chaos plus suggéré que réellement décrit et l’attitude détachée et contemplative de ce spectateur beaucoup plus sensible au chant des oiseaux qu’au son des Kalashnikov.

Étonnante errance poétique décalée, sorte de gueule de bois contemplative sous tranquillisants, Les Événements sont une photo imaginaire du Paradis dans lequel on vit et qu’il est toujours possible de perdre. Jean Rolin, avant d’être écrivain, a été reporter de guerre. Dans les Balkans et ailleurs. Il connait le silence qui suit le chaos. On est loin de la fureur et du bruit que la première scène pouvait laisser présager. La guerre n’est pas forcément la furie permanente que les images télé nous renvoient en boucle. La guerre c’est aussi l’attente et le silence. C’est le Désert des tartares et le Dormeur du Val. On referme le livre sur une drôle d’impression, avec le sentiment de s’être promenés lentement, les mains dans les poches, dans un champ de bataille au décor familier. Pas banal.

Le jour se levait – et l’eau bruissait, les merles s’égosillaient, on entendait même çà et là chanter un coq, comme dans des temps immémoriaux.

Les Evénements, Jean Rolin, éditions P.O.L

3 réponses à “Les Événements – Jean Rolin”

  1. Houellebecq et zemmour dans le même panier ….je suis en desaccord avec toi : Houellebecq est un ecrivain, zemmour ……je ne sais pas trop mais pas un ecrivain ……je lirai ce rollin là. Et toi : liras tu le Houellebecq (ou alors l’s tu peut etre deja lu et ton point de vue m’interesse)

    • Attention Attila, moi je ne les mets pas dans le même panier, la rumeur, l’ambiance générale s’en charge. D’ailleurs, après avoir écouté « le masque et la plume  » l’autre jour, j’aime es envie de lire le Houellebecq, histoire de rétablir, s’il y a lieu de rétablir

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