Gran Madam’s – Anne Bourrel

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Ya rien dedans, que de la chair de vieille pute, que de la chair de jeune morte et des fils enchevêtrés, des restes des autres hommes qui me laminent depuis des millénaires.

 

Un coup de poing, un uppercut pleine face sous le cagnard. Un western à la française qui sent très fort le sud, la sueur aigre, l’asphalte surchauffée, les putes low-cost, l’ennui et l’alcool tiède. La couverture de Gran Madam’s – Faites comme moi, sortez-la dans un carré TGV pour voir la réaction de vos voisins- ne vous prend pas en traître.

Misère sexuelle côté clients, misère tout court côté filles. Anne Bourrel ne prend pas de gants pour nous décrire La Jonquera, cette ville parking, collée à la frontière catalane, capitale des clopes pas chères, des puticlubs pour VRP et camionneurs en sueur.

Begonia Mars, Virginie, était étudiante en lettres. De plans foireux en mauvaises rencontres, elle est devenue pute, à la merci de son mac, Ludovic, « le Boss ». Une virée de nuit, des coups de feux, un règlement de comptes, elle se retrouve coincée dans un road trip en Dacia, en compagnie du « Boss » et du « chinois ». On imaginerait des courses poursuites et de l’action à tous les coins de rue, c’est plus dans la lenteur, la moiteur et la rancœur que Gran Madam’s se développe.

Et pourtant, la tension, étouffante comme un 15 août caniculaire dans une station-service, ne cesse de monter, dans une sorte de sprint lent, jusqu’au climax final, imparable, qui vous laisse épuisé sur le bas-côté, avec une gueule de bois des grands jours.

 Les pneus de la Dacia crissent, l’embrayage chauffe, ça sent fort, une odeur irritante de plastique brûlé.

 

J’ai lu Gran Madam’s d’une traite, transpirant et accablé par la chaleur, incapable de le laisser respirer. Je me suis laissé embarquer par cette cavale lente, par cette ambiance étouffante et par la langue riche, poétique et directe d’Anne Bourrel. Un grand roman noir des routes brûlées qui pourrait tout aussi bien évoquer les grandes étendues texanes, Cormack Mc Carthy, James Lee Burke, la poussière et les motels un peu cheap. Très fort.

 -C’est quoi, la fête aux chiens ? J’ai demandé. -Eh bien, on fait une sorte de carnaval d’été. C’est très rare, les carnavals en été. Vous verrez, on vend des cartes postales qui montrent les gens du village déguisés, ils dansent devant des chiens pendus aux arbres.

 

Gran Madam’s, Anne Bourrel, La manufacture de livres.

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