Ensuite il n’y aura rien, plus aucune miette partageable ni dicible, plus rien qu’un silence démesuré, seulement cela. Seulement cela.
Retour au cœur du cauchemar Volodinien, dans ce « post-exotisme » autour duquel l’auteur a bâti son œuvre. Une quinzaine de romans épais, variations noires comme des mauvais rêves sur une apocalypse humaine post soviétique, où tout espoir est perdu, où l’homme erre, égaré dans les décombres de sa mémoire, dans une agonie chaotique où se mêlent rêves gris, réalité désolée, restes ridicules d’une révolution prolétarienne, peuple de zombie qui évolue dans les ruines d’un monde qu’il a détruit. L’homme qui en a presque fini d’anéantir jusqu’à sa propre espèce.
Mevlido, pauvre flic inutile, habité par des visions nocturnes, survit dans ce théâtre pathétique, accroché au souvenir insupportable de Verena, la femme qu’il a aimé vingt plus tôt et qui est morte martyrisée par les Enfants-Soldats. Verena est partout, elle prend les traits de toutes les femmes, fantôme parmi les zombies, elle habite la mémoire de Mevlido le médiocre, jusqu’à l’obsession.
Verena était son amour dans une autre vie, avant qu’il ne se réincarne, qu’on ne l’envoie en mission pour témoigner de la fin de l’humanité. Des mondes se croisent, gris, moites, Mevlido a accepté le passage il y a cinquante ans. Il ne sait même pas qu’il a été réincarné. Il ignore qu’il a eu cette vie avant, que ces songes qui le hantent sont des messages du passé.
Quelques rêves. Et une légère impression de duplicité qui risque de vous gêner un peu quand vous atteint l’âge adulte. Ça vous accompagnera jusqu’à la fin.
Longue chronique, aussi longue qu’une nuit de cauchemar, peuplée de morts-vivants malodorants (ça pue pas mal dans ce roman!), ce livre est une vision sombre et sans espoir, une errance grise sans fin, où la frontière entre rêve et réalité n’est jamais claire, où les années pèsent des siècles. Une sorte de purgatoire à l’évocation aussi brillante qu’étouffante, dont on sort sonné, épaules basses, migraine tenace.
On me dit que Volodine tisse sa toile post-exotique à Orléans, sur les bords de la Loire lumineuse et je m’interroge sur l’homme et sa démarche. Un chemin parallèle .Une vie d’écrivain et un seul thème obsessionnel. Une œuvre de récits apocalyptiques, à la marge, qui feraient passer 1984 et Brazil pour des contes pour enfants. Singulier. Je termine ce roman, soulagé de le refermer et des images s’imposent, comme des retours de rêve. Pas tous négatifs, d’ailleurs. Il y a de l’amour dans ce récit et c’est ce qui survit à la lecture. Étonnant.
Songes de Mevlido, Antoine Volodine, éditions Points.
3 réponses à “Songes de Mevlido – Antoine Volodine”
ben dis donc , tu lis pas des trucs cotillon ,toi, en ce moment …
Pas faux… Du coup je viens de piquer des Bibliothèques roses à ma fille.
Ça promet !