Des formes sombres et nébuleuses émergeant de l’étable, éclairées seulement par les flammes qui les dévoraient et les transformaient en silhouettes de cauchemar , plongées dans un étrange mutisme.
Sont malin chez Albin Michel. Ou alors je suis un peu con, je vous laisse choisir. Il a fallu qu’ils collent une photo sponsorisée par l’office du tourisme du Donegal sur la couverture du dernier Paul Lynch, pour que je me précipite. C’est faible et à ce tarif, j’aurais aussi bien fait d’acheter le Lonely Planet. Ils ont de jolies photos. Non, je n’ai pas lu la quatrième de couv’, je me suis laissé embarquer par la vague nostalgie d’un voyage récent au pays des collines vertes et de la pluie horizontale (le premier, conséquence de l’omniprésent second). L’Irlande, une deuxième patrie pour moi, j’ai renoncé à comprendre. Avouez au moins que la photo est belle, ça me rassurera.
Ça doit être la pluie, ou leur histoire récente –les cinq cents dernières années au moins – mais les irlandais respirent la tragédie misérable. Domination anglaise (on ne le souhaite à personne), famine, climat capricieux, terres non cultivables, et pire que tout, la religion catholique qui régule la vie jusqu’au fond des slips. La misère irlandaise est un cliché folklorique dont on a bien du mal à s’échapper.
Il n’y a que l’enfer ici.
J’ai d’abord cru, espéré, ça a duré une centaine de pages, avoir déniché un roman à la Ron Rash. Une ferme isolée, des regards qui se croisent, pas mal de descriptions, peu de dialogues. Une mise en scène de la lenteur et l’attente. On ne sait pas ce qui va se passer mais on le sent, c’est dans l’air, il y un drame qui se trame. Et puis, assez vite, la tragédie, dont on devine qu’elle sera la pivot de ce roman. Un incendie majeur qui va détruire ce que Barnabas avait tenté de construire à son retour de New York. On ne quitte pas impunément ces terres maudites. On n’y revient pas non plus en terrain conquis ou alors, la fatalité et le sort s’acharneront contre vous. Chronique un peu désespérée d’un désastre annoncé, La neige noire relate la lente agonie d’une famille qui cherche ses racines. Rien ne nous est épargné, jusqu’au dénouement final, le lecteur sera condamné à souffrir avec Barnabas et les siens qui finiront par se faire engloutir par ce monde gris, misérable et inerte, peuplé de fantômes résignés.
La neige noire est une fable misérabiliste d’un autre temps, à l’écriture chargée, un peu lyrique voire ampoulée, dont les thèmes mais seulement les thèmes, se rapprochent de l’univers de Ron Rash. Aucune ellipse, toutes les scènes sont jouées, rejouées, appuyées, vues sous plusieurs angles et surtout celui de la douleur, qui semble être le carburant essentiel de ce roman trop caricatural à mon goût mais qui saura tirer des torrents de larmes à ceux dont les glandes lacrymales réagissent à la simple évocation d’un mélo désespéré…
La neige noire, Paul Lynch, éditions Albin Michel
