J’étais en train de repasser une chemise – oui, ça m’arrive – dans ma buanderie embuée et basse de plafond. Je prenais mon mal en patience à grand coups réguliers de Rowenta dans les coins, évitons les faux plis. Comme d’habitude, j’essayais de meubler, autant que possible, ce qui en aucun cas ne pouvait être considéré comme un « highlight » de ma journée. J’avais posé mon portable sur la planche et j’avais machinalement appuyé sur play. On verrait bien. Les plus belles rencontres sont celles pour lesquelles on n’est pas préparés.

Julia Holter et son nouvel album, Have you in my wilderness,  s’affairaient dans les hauteurs, aériens, éthérés. Je prêtais une oreille distraite, rythmée par les pschiitt de mon Rowenta AUTOSTEAM DW4020, quand tout à coup elle est apparue, la vierge en personne, en tout cas l’image de celle que j’aime par-dessus toutes, la diva des divas celle qui s’est retirée depuis trop d’années, qui ne veut presque plus chanter et que je crève de ne jamais avoir vu en concert. J’ai nommé, non pas Céline Dion, ni Mariah Carey, ni Lana Del Rey mais bien Liz Fraser la fée-muse so 90’s, qui accompagna ma fin d’adolescence avec ses Cocteau Twins, chevelures à la Robert Smith, dépressifs engoncés et encombrés dans des pull chauve-souris en angora. 1990, c’est loin.

Lucette stranded on the island, une chanson d’un autre temps, donc, un hommage à peine voilé à la magnificence des années Liz Fraser. Franchement, ce refrain, vers 1:10, ces chœurs, c’est Liz en aube blanche qui apparaît comme ça, dans les vapeurs de la buanderie. Un bonheur émouvant.

Nageant dans une paix et une sérénité soudaines, vaguement humides quand même, j’ai appuyé sur la touche repeat, Julia/Liz a continué son show et moi, j’ai descendu la pile de chemises.

Le reste de l’album est très bon également…Notamment le morceau Vazquez, carrément envoûtant.