Je ne savais pas qui était le plus dégueu, le plus malade des deux, de maman ou de papa, de maman qui avait fait toutes ces saloperies ou de papa qui en parlait comme d’un truc normal.
Olivier Adam pour moi, c’est un amour déçu. Ça m’arrive souvent avec la musique. J’adore le premier album d’un groupe, je guette la sortie du suivant, je trépigne, je tire des plans sur la comète et quand sort la galette, à part pour une ou deux chansons qui ravivent des émotions bien familières, je me chope une bonne gueule de bois.
Quand j’ai lu Passer l’hiver – je sais, ça commence à dater – ces nouvelles un peu tristes, tellement justes, cette langue simple et directe qui parlait de gens un peu paumés, situations à la Jarmush de fin de nuit sans le sourire, je m’étais dit que peut-être, j’avais trouvé mon auteur fétiche. Je me disais que je me damnerais bien pour un quart du talent de ce gars-là. Et puis j’ai eu le syndrome du deuxième album. La petite musique d’Adam, basée essentiellement sur une surexploitation caricaturale des émotions larmoyantes m’a assez vite saoulé. Mais pas complètement, pas à chaque fois. Certains de ses livres m’ont laissé un goût de « presque super ». Je les bouffais littéralement en quelques heures, je fermais les yeux sur les pages qui flirtaient avec un penchant avéré pour le misérabilisme. J’adorais les couplets mais jamais le refrain. J’ai renoué, sans jamais avoir vraiment rompu, avec les Lisières et puis Peine perdue, énumération mal foutue et indigeste de clichés, a fini par me faire entendre ce que je refusais de voir. Adam était le frère d’Ana Gavalda…J’ai donc enlevé tous ses posters dans ma chambre, j’ai déchiré mon cahier de texte Olivier Adam et je me suis promis de ne plus m’y laisser prendre. Mais je n’ai pas tenu. Rentrée d’hiver, têtes de gondole, petit panier chez mon libraire, je fais mes courses. Faiblesse coupable, le premier roman qui passe par mes mains est le nouveau Adam. Je le prends. Au moins, s’il est au fond du panier sous les autres, je le verrai moins. Mais voilà. A peine arrivé chez moi, je n’ai qu’une envie, commencer la Renverse, m’en débarrasser pour ne plus y penser ? Je ne suis pas guéri d’Olivier Adam. Comme un alcoolique accoudé au bar contemple les bouteilles de whisky alignées devant lui, je ne peux pas m’en empêcher. J’ai donc lu la Renverse. D’une traite, cul sec.
Je n’ai pas pu me détacher de l’histoire d’Antoine et du scandale qui a détruit sa famille. Une petite ville de province, des parents de lotissement, middle class, deux frères, la mère discrète et jolie, un peu desperate housewife, qui se passionne soudain pour la politique, qui se rapproche du maire, un secrétaire d’état un peu en vue, séducteur notoire. Le scandale, la mère, dont toute la ville murmure qu’elle est la maîtresse du maire se retrouve prise dans une histoire de viol, du côté des accusés. Autopsie de l’effondrement d’une famille ordinaire. La rumeur provinciale emporte tout, il ne reste plus rien à Antoine, le jeune narrateur devenu fantôme errant.
J’ai beaucoup aimé ce roman. C’est dit et assumé. Pour une fois, Adam a un peu mis de côté son penchant misérabiliste, son versant donneur de leçons social et il s’est laissé porter par son histoire, un scénario fort, simple mais efficace. Bien sûr, l’auteur n’a pas abandonné ce qui a fait de lui un auteur à succès: « J’ai pris le sentier longeant les falaises ». Dès la première phrase, on sait qu’on ne verra pas le soleil, qu’il n’y aura que de la pluie horizontale, du vent, de la souffrance ordinaire, des non-dits, et un côté Caliméro omniprésent. Bien sûr Olivier Adam force parfois tellement le trait qu’il en devient une caricature de lui-même. Mais je mentirais si j’affirmais que sa musique ne me parle pas. Pas guéri, c’est sûr. Je replongerai. Olivier Adam, mon petit plaisir inavouable.
Et je ne sais par quel miracle nous avons fini par rejoindre sa maison, à quelques kilomètres de Nantes, au milieu d’une campagne tout à fait plane qui, on le devinait, au fil des kilomètres se muait en marais et finissait par se cogner à une mer que troublait la vase.
La renverse, Olivier Adam, éditions Flammarion
4 réponses à “La renverse – Olivier Adam”
Désolée : je suis sevrée …..et je tiens
Ton parcours adamien est celui de nombre d’entre nous, en tout cas je me reconnais 🙂
Même au Masque, ils ont dit des choses comme « on sait pas s’il nous a à l’usure ou quoi » (ils ont aimé « La Renverse »).
Ah il faut que j’écoute le Masque en podcast alors ! Je suis curieux d’entendre ça!
[…] La renverse – Olivier Adam Flammarion 2016, 267 pages Ce qu’on entend beaucoup, à propos de ce roman, c’est le scandale politique qu’il contient et les rapprochements possibles avec les personnalités l’ayant inspiré : s’attendre à voir ça développé c’est s’exposer à une désillusion. Olivier Adam écrit encore et toujours le même roman, celui d’un personnage lunaire et vaguement désenchanté – mais jamais tout à fait – qui exsude la Bretagne par toutes les pores et est nanti d’un contexte familial compliqué. Alors, oui, Antoine est l’un des fils de l’ex-adjointe d’un sénateur-maire impliqué (avec elle) dans un scandale sexuel médiatisé. Ca s’est passé il y a dix ans et la mort de celui qui était bien vite redevenu maire vient remettre tout ça dans sa mémoire. Mais « tout ça », c’est bien vague à ses yeux, car s’il a effectivement tout vécu aux premières loges – et si ça a conditionné la bifurcation de sa vie postérieure – il n’a jamais ni réellement compris ni cherché à creuser. Il ne sait même pas, au fond, qui étaient ses parents, quelle personnalité était la leur, lorsque son frère ou sa tante lui évoquent des souvenirs il ne parvient presque pas à les croire. C’est comme s’il avait toujours été absent de sa vie… Pour moi le noeud du roman est beaucoup plus cet aspect-là, un homme adulte qui s’interroge sur lui-même, que tous les autres éléments qu’il contient par ailleurs. Et ça possède une force, tout en étant l’archétype du personnage adamien. Toujours pareil, donc, mais réalisé avec une maîtrise de plus en plus construite, qui donne une fluidité et un plaisir de lecture véritable. « Jacques m’a assuré qu’il se sentait suffisamment en forme pour assumer deux jours seul à la librairie. Ce n’était pas ça qui allait le tuer. Je ne voyais pas très bien ce qui l’empêchait de simplement tirer le rideau. Je lui en ait fait la remarque. Pour les trois péquins qui viennent en cette saison. Ils ne mourront pas de trouver porte close. Il a secoué la tête. A ses yeux la chose était purement inenvisageable. C’était comme commettre une obstruction. S’opposer volontairement à la nécessité de lire. La nier en un sens. Déjà qu’il n’encaissait pas de devoir fermer le dimanche, au motif que la librairie ne figurait pas au rang des commerces de première nécessité. Quand on voit le niveau de connerie ambiante, grommelait-il, on sent bien à quel point c’en est un, de foutu produit de première nécessité. J’acquiesçais, même si, scrutant les livres qui nous entouraient et, parmi eux, ceux sur lesquels se ruaient la plupart de nos clients, ils n’étaient pas si nombreux, en définitive, les ouvrages susceptibles de répondre à cette notion. Mais je m’abstenais d’en faire la remarque. Contrairement à Jacques, je ne me sentais pas en mission. Je n’avais pas la prétention d’oeuvrer pour le bien de l’humanité, ni de mener un combat crucial contre la connerie et l’inculture. Surtout pas en vendant ces pelletées de romans de gare et de documents écrits à la hâte sur tel ou tel sujet du jour. Malgré tout j’étais bien parmi les livres. Ceux que j’aimais, et que je laissais immédiatement visibles, plaçais en évidence. Les clients n’avaient pas beaucoup d’importance là-dedans. Bien sûr, je n’étais pas mécontent quand je parvenais à fourguer un bouquin qui me tenait à coeur, bien sûr il n’était pas désagréable de discuter de tel ou tel auteur avec certains habitués, mais enfin, l’essentiel était pour moi d’être là, parmi ces milliers de pages (…).« J’aime beaucoup le billet d’Emmanuel Gedouin. […]