Je vais prendre le train…de plein fouet. Ne pleure pas trop longtemps.
Le bleu du ciel est déjà en eux, étonnant comme un éditeur peut s’approprier une couleur et lui coller une émotion qu’on finit par identifier comme celle de la maison. Bleu, comme le Bleu éperdument de Kate Braverman, autre perle désolée d’une tristesse insondable, Bleu, comme la couleur très sombre de cette collection de nouvelles, peuplée de fantômes et d’âmes en peine. On se croise, on se cherche, on occupe des lieux, des appartements qui continuent de respirer au rythme d’un passé trop chargé. Il y a quelque chose de très beau, de froid aussi dans ces personnages, vivants comme morts, dans ces portraits hantés par les regrets, par le deuil difficile à faire, d’un amour ou d’une vie. La nostalgie n’est jamais loin non plus, comme dans Traduire, ce parcours d’un homme déraciné qui a traduit pour l’occupant. Traduit ou trahi, l’homme erre, déraciné, dans un quotidien qui n’est plus le sien.
Ici, c’est Athènes qui brûle et qui, éternelle,s’en remet à la sagesse et des forces inconnues pour contenir l’incendie. Occuper, ma nouvelle préférée, la rencontre entre Juliette la narratrice et un appartement, celui de Katryn Hartvig, scientifique qui parcours le monde. Juliette est payée pour occuper l’endroit, pour le maintenir en vie, pour entretenir le souvenir de Matti, le fils défunt, qui erre dans la pénombre et le silence des couloirs. Occuper, Beauté froide qui quelques jours après l’avoir lue, continue de me hanter, moi aussi.
Ce qui me terrifie c’est l’individu isolé, le type qui marmonne tout seul, qui tout à coup vient vers toi.
Le bleu du ciel est déjà en eux de Stéphane Padovani, neuf textes forts, souvent mélancoliques, des petits clins d’œil -Jean-Pierre et Luc Gardenne en chauffeurs de taxi, ex-presque stars du cinéma – et une sensation étrange, lente, de fin de nuit, d’entre deux, de rendez-vous ratés, de tristesse confortable. Très fort.
Le bleu du ciel est déjà en eux, Stéphane Padovani, Quidam éditeur.