Je savais bien que je n’allais pas me marrer, ce n’était pas la semaine…On avait déjà fait une tentative pathétique lundi soir. Mais lundi c’était le printemps du cinéma et même le plus spectaculaire des navets faisait salle pleine à 18 :30. On avait dû se rabattre, parce qu’il était trop tôt pour l’apéro et qu’il faisait froid dehors, sur DieuMerci ! Sous-titré « On a tous un rêve de gosse ». On s’attendait au pire, on était loin du compte. Ne perdons pas notre temps sur ce DieuMerci ! que nous n’aurons dû supporter que quelques dizaines de minutes, le mot insupportable ne faisant pas justice à cette bouse mièvre et mal jouée, certainement sincère ce qui est pire. « Pardon monsieur, pardon madame », oui nous fuyons, c’est l’happy hour, s’agirait pas de la louper.
Deuxième tentative vendredi, et cette fois-ci, pas de plan B pourri. Du lourd. Atom Egoyan, le réalisateur d’Exotica ou de De beaux lendemains a tout de même une réputation. Et puis la bande-Annonce laissait entrevoir suffisamment de mystère pour que je me laisse embarquer par Remember, film géronto-noir sur toile de fond pas du tout drôle de vengeance post nazie.
Zev –Christopher Plummer est un nonagénaire perdu. Sa femme Ruth est morte et la raison le quitte. Il vit dans un brouillard lent et pathétique, dans le coton désespéré d’une maison de retraite aussi cossue que triste. Dément sénile, tous les matins, Zev se réveille et oublie qu’il est seul désormais. Il ne se souvient de presque rien, plus rien ne compte pour lui maintenant que sa mémoire le quitte. Alors la Mémoire avec grand M le rattrape par l’intermédiaire de Max, autre pensionnaire en fin de vie, avec qui il a jadis partagé l’horreur d’Auschwitz.
Max ne marche plus, il n’en a plus que pour quelques semaines alors il envoie Zev en mission « au nom de tous les siens ». Il devra retrouver un des derniers nazis encore vivants, un certain Rudy Kurlander et le tuer afin de boucler la boucle. Zev s’échappe alors de la maison de retraite (Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire mais en moins drôle), il parcourt les routes à moitié perdu (Nebraska mais moins poétique), traverse les États-Unis ( The straight story mais sans tondeuse à gazon) et se met en quête de retrouver celui qui soixante-dix ans plus tôt, a massacré sa famille.
Autant je n’ai pas regretté d’avoir quitté la salle avant la fin de ce pénible Dieumerci ! lundi soir, autant je m’en serais voulu (même si je n’aurais connu ma perte) si je n’avais pas vu la fin de Remember dont la chute et le retournement final sont … Mais gare au spoiler. Ne point trop en dire il faut.
Car oui, Remember vaut pour sa fin. Pas uniquement mais quand même. Je ne peux pas dire que le film soit captivant avant les quinze dernières minutes, il est même parfois pénible à suivre tant l’image du quatrième âge qu’il renvoie est pathétique. Christopher Plummer et Martin Landau sont fantastiques bien sûr, très justes, mais leur détresse face à ce qu’il ne sont plus, à ce qu’ils ont perdu, fait peine à voir. Triste. Et dérangeant par moments. Touchant, je ne sais pas tant il est impossible de se sentir proche de l’esprit malade de Zev. On a pitié de lui, on comprend sa quête mais ce n’est pas la nôtre. Alors reste cette errance au ralenti, trébuchante et confuse, ce dernier tour de piste avant la mort qui même s’il est maîtrisé de part en part, m’a collé une gerbe monumentale pendant un bon moment.