Voici mon premier conseil pour réussir votre livre : ne faites pas l’artiste ni l’artisan. Ni Van Gogh ni souffleur de verre. Trouvez la position la plus proche possible du lecteur visé et ne bougez plus. Soyez mou, transparent, dominable – surtout si vous êtes dévoré d’ambition.
J’avoue ce ne sont pas ses livres qui m’ont fait connaitre l’écrivain, le poète, le dramaturge Olivier Cadiot mais mon amour immodéré et déraisonnable pour Kat Onoma. Oui, j’étais un fan de la bande à Burger. Je le suis toujours. Le groupe s’est séparé il y a un moment mais Rodolphe Burger a continué sa route atypique, jamais très loin ni de Strasbourg, ni de Bashung, optant parfois pour des expériences très déroutantes comme cet étrange EP On n’est pas des indiens c’est dommage, paru en 2000 et co-signé par Olivier Cadiot. Je ne saurais décrire cette histoire bizarre mais je lui reconnais volontiers un côté addictif – Le titre Tante Elisabeth est indescriptible…et pourtant – qui n’a fait qu’attiser ma curiosité et qui seize ans plus tard me rattrape et me donne envie de lire le dernier livre d’Olivier Cadiot.
J’ai dit livre, j’aurais pu qualifier cette Histoire de la littérature récente, Tome 1. Roman, récit, essai, recueil de poésie ?… Non, rien de tout ça. Ce livre est une énigme. Une collection assez géniale, à première vue sans queue ni tête –j’ai dit à première vue- de courts chapitres souvent très drôles qui se veulent une méthode pour apprendre à écrire. Alors si la forme est quand même très étrange, le livre vaut surtout par et pour sa langue et le ton que Cadiot emploie, résolument sarcastique.
Quelqu’un m’avait dit gentiment : Mais pourquoi tu écris comme ça ? Très gentiment, avec une incompréhension douce, comme si je m’évertuais à fermer un œil en permanence ; comme si je parlais en poussant des petits cris à la place des virgules ou que je portais une perruque Louis XV pour aller faire mes courses. Pourquoi fais-tu ça ?
Oui, lui l’écrivain dont on dit (mais »on »est méchant) qu’il n’est pas fichu d’écrire simplement ou de terminer un roman de façon classique, se moque de lui et ses contemporains à travers diverses considérations sous forme de conseils tantôt absurdes, tantôt très inspirants. Ce qui est sûr c’est que Cadiot le poète est un maître de l’évocation et qu’il faut picorer ses mini-chapitres comme on dégusterait des tapas, en passant d’un chipiron à un poulpe grillé, à un morceau de pata negra avant de s’attaquer à des petites gambas à l’ail, tout ça en terrasse, un soir d’été à la fraîche. On savoure, on passe à autre chose, puis on referme ce truc inclassable en se disant qu’y laissera prendre volontiers encore une fois, si jamais Tome 2 il y a.
Finalement je vous déconseille d’embrasser cette profession.
Histoire de la littérature récente, tome 1, éditions P.O.L