Il y a toujours des moments où, tous, nous voulons nous barrer comme si rien n’était jamais arrivé.
Partir sans laisser d’adresse, disparaître et tout recommencer, se dire qu’il suffit de prendre un billet pour le bout du monde et aller, pourquoi pas jusqu’à penser qu’on peut nier la réalité, son passé, soi-même. C’est ce que tente Elyria, jeune New-yorkaise sans histoire, qui un jour décide de prendre un avion pour Wellington, Nouvelle-Zélande, un sac sur le dos et pas même un mot pour son mari ou sa famille. La fuite ultime, absolue, celle parfaite qui ne laisse pas de trace, celle, libérée de tout, qui ne demande aucune explication, presque détachée, comme si la personne qui fuyait était neuve et n’avait rien à voir avec celle que l’on cherche déjà. Casser ses liens pour qu’on vous foute la paix, que votre passé vous lâche un peu.
Je savais que mon mari était une chanson dont j’avais oublié les paroles.
Elyria n’a pas de plan. Elle erre avec pour unique objectif la ferme d’un poète solitaire dans l’île du sud dans laquelle elle pourra passer quelque temps. Mais on ne tire pas un trait sur son passé. Si Elyria se débarrasse de son monde, elle ne parvient pas à chasser ses fantômes. Le souvenir de son mari la poursuit, sa sœur décédée aussi, sa mère et puis bien sûr elle-même. On ne disparaît jamais vraiment car on emporte évidemment avec soi le poids de son histoire. Elyria ne sait plus, s’il y a un retour, s’il peut y en avoir un, si tout peut recommencer ou si le monde a avancé sans elle et a fini par l’oublier.
Catherine Lacey écrit un roman étonnant, très fort, très juste qui décortique, dissèque les lassitudes ordinaires, l’ennui et la médiocrité du quotidien dont on voudrait parfois se détacher. Accepter qu’une vie pâle puisse suffire à son bonheur, passer sa vie avec un mari fiable, un homme sain et responsable à défaut d’être vraiment charmant. Se contenter d’une vie rangée et mettre ses plaies de côté. Une Emma Bovary moderne se retrouve sac sur le dos dans des ferries peuplés de gens aussi seuls qu’elle, dans des cafés hantés par des âmes perdues, elles aussi. Elyria, erre comme un fantôme , finit par se déplacer comme un zombie, ne sachant plus ou aller, perdue, à quelques encablures à peine de sa propre vie. Un beau roman riche, et une très belle langue, singulière et un regard aussi lucide que désabusé sur l’usure du couple. Étonnante maîtrise pour une jeune écrivaine et son premier roman.
La vie commence à s’arranger quand les enfants sont partis et plus tôt vous les faites, plus tôt ils peuvent partir; ce qui est encore mieux c’est quand vous devenez enfin veuve.
Personne ne disparaît, Catherine Lacey, éditions Actes Sud.
4 réponses à “Personne ne disparaît – Catherine Lacey”
Ben voilà un roman qui a tout pour me plaire. Merci pour cette chronique tentatrice.
…purée, comment tu me tentes là 😂 …
Go Go Go Mior !
je viens de le commander !
Tout laisser derrière soi…Voilà une belle tentation