L’adultère est un crime dont le châtiment en Iran est la peine de mort, y compris pour les hommes, même s’ils ont droit à quatre femmes officielles. Parce que, selon la Charia, lorsqu’un homme commet l’adultère, il déshonore non pas sa femme, mais un autre musulman, en lui volant, violant son bien : mère, sœur, femme, fille ou nièce.
Evidemment le titre ne pouvait pas laisser indifférent. Je n’aime pas les titres à rallonge, je les trouve suspect, j’y vois toujours une forme d’arnaque, un truc à la Katherine Pancol de Relay H. Les putes voilées n’iront jamais au Paradis ! Provocateur ou racoleur, le titre interpelle c’est sûr, il ne passe pas inaperçu . Comme les Femen brandissent leur seins nus pour défendre la cause féminine, Chardortt Djavann ne fait pas dans la demi-mesure. Elle y va de bon cœur (expression mal choisie) pour décrire , au-delà de la conditions des femmes en Iran, celle des prostituées dans un pays enfermé dans des dogmes moralistes qui virent très vite à la schizophrénie collective.
L’homme musulman est une victime. Il tente de se protéger comme il peut de l’agression permanente dont il est la cible. Le corps de la femme, celui dont il est issu, qui le torture, l’excite, le frustre. Ce corps qu’il désire et le salit, passe son temps à le provoquer, à se pavaner devant lui, à lui rappeler sa faiblesse et l’éloigner des causes nobles et pures dont il ne devrait jamais s’éloigner. La femme est mère et pute à la fois. Elle ne mérite pas le respect.
La plupart des hommes éjaculent en nous comme ils pissent aux chiottes, sans aucun respect.
L’amour, dans l’univers de Chardortt Djavann, n’a pas de place. On en parle que de saillie, de bites enfoncées dans des bouches de fillettes mariées de force, d’accouplements bestiaux, violents, honteux, autant pour l’homme que pour la femme. Ne t’abaisse pas, toi l’homme à céder au piège que la femme te tend. Méprise-la, baise-la. Prend quatre femmes, tu y as droit. Prend une « sigheh » en plus, une partenaire sexuelle temporaire, si ça te chante. Fais-lui ce que tu veux. Ramasse des putes en tchador dans la rue. Une femme qui marche seule est probablement une pute. Viole-la, c’est de toute façon de sa faute. Sa nature même est provocation. Elle est coupable.
Que dire ? Comment juger un livre dont le propos est tellement fort, tellement choquant. Chardott Djavann a connu la prison à treize ans car elle refusait de porter le voile. Ses deux meilleures amies ont été assassinées comme on abat des chiens errants dans la rue. Aujourd’hui en France, l’écrivaine veut interpeller et parler au nom de toutes les femmes iraniennes, victimes expiatoires de la République Islamique, qui, en voulant nier le sexe, crée une société hypersexuée, brutale, contre nature, où les petites filles sont des proies en sursis et les mâles des êtres frustrés qui réfléchissent avec leur appendice, le soulagent comme des gamins honteux.
Comment expliquer à ces hommes occidentaux que dans la sainte ville de Mashhad, lorsqu’un bref instant un tchador noir s’entrouvre, le feu d’artifice s’allume dans le regard des mâles frustrés qui ne pensent qu’à y pénétrer ?
Portraits de prostituées à qui Djavann donne la parole dans une fiction qui a la force d’un documentaire. Parole crue, sans détour. Le sexe est le sexe, on ne détourne pas la tête. On lit, on regarde on écoute. Fellation, sodomie, tchador, lapidation, pendaison. Tout y passe. Dans l’ordre ou le désordre. Evidemment, les esprits chagrins critiqueront la forme, voire le propos. Chardortt Djavann refuse la nuance et aucun homme ne peut trouver grâce à ses yeux. Les hommes sont des porcs. Tous. Les femmes sont des victimes. Toutes. Peut-être que la force du trait desservira l’écrivaine, certains, sans doute hurleront à la caricature voire à la calomnie. C’est dangereux de débattre de l’Islam et de ses préceptes comme le fait Djavann. C’est courageux aussi. L’état de sidération dans lequel le 7 janvier 2015 nous a plongés, nous interdit, semble-t-il, de porter un regard critique sur la façon dont une religion considère la place des femmes au sein de sa société. Ça aussi c’est choquant.
Les putes voilées n’iront jamais au Paradis !, Chardortt Djavann, éditions Grasset
5 réponses à “Les putes voilées n’iront jamais au Paradis – Chardortt Djavann”
Il s’est fait encenser /défoncer au Masque pour des raisons qui toutes semblaient recevables…et je ne suis pas sûre d’avoir envie de le lire, au fond…
Une amie iranienne (vivant à Paris, certes…) me raconte, elle, des anecdotes étonnantes et pas du tout « dans le sens du poil » de ce qu’on entend dire ou qu’on peut lire sur ces sociétés (que nous jugeons peu ou prou arriérées, il faut bien l’avouer:-/ ) : le dernier chic chez les jeunes iraniennes (d’un certain milieu j’imagine…) c’est de poser que l’on ne sait pas cuisiner et qu’on en est fière ; d’avoir des amours totalement non romantiques et tarifées ; de ne pas croire à l’amour et de se comporter très cyniquement ; comme si elles renvoyaient en travers de la gueule des hommes des tas de trucs , pas violemment mais en se foutant bien de leur poire. Qui est libéré, la question reste ouverte et notre regard est peut être bien condescendant pour commencer. Mais je ne dis pas cela pour provoquer ou dénier, je suis juste perplexe
Ah ça, Elle ne fait pas dans la nuance et c’est évidemment un problème. Quand le trait trop appuyé, on ne voit que la caricature…
Alors je viens de réécouter le Masque… Viviant est juste honteux sur ce coup-là…autant le point de vue de Crépu est tout à fait recevable, autant Viviant qui nie la réalité me fait vomir.
[…] https://letourdunombril.com/2016/08/04/les-putes-voilees-niront-jamais-au-paradis-chardortt-djavann/ […]
Analyse plus que pertinente. Et moi aussi j’avais vraiment longtemps hésité à lire ce livre à cause du titre. C’est devenu un vrai coup de coeur. Et le titre devient complètement légitime une fois qu’on a fini sa lecture. Ma critique détaillée est ici – http://litterature-et-art.com/les-putes-voilees-niront-jamais-au-paradis-chahdortt-djavann/