En quatre jours de combats incessants, souvent au corps à corps, pour s’emparer des hauteurs les plus méridionales de Bloody Nose Ridge, ce premier régiment, placé sous le commandement du colonel Lewis Puller, dit « Chesty » Puller, fut presque anéanti, mille sept cent quarante-neuf de ses hommes ayant été tués ou blessés.
On pourra toujours se demander ce que Jean Rolin est allé foutre au beau milieu du Pacifique, sur une île minuscule dont seuls les férus d’histoire ont un jour entendu parler. Peleliu, minuscule bout de terre presque paradisiaque mais pas vraiment, coincé au cœur de l’archipel des Palaos a été le théâtre d’une des bataille les plus sanglantes de la deuxième guerre mondiale.
Envahie par les japonais, l’île, idéalement placée au milieu d’un axe stratégique, pourvue d’un aéroport… enfin d’une piste d’atterrissage, Peleliu de Septembre à Novembre 1944 s’est transformée en Verdun du Pacifique, un cimetière à toit ouvert traité au napalm qui a vu les deux armées s’entretuer jusqu’au dernier homme ou presque. L’enfer de Peleliu.
Soixante-dix ans après la bataille, Jean Rolin débarque sur cette île paresseuse, au charme incertain et court après le fantôme de cette terre martyrisée. De mangroves en montagnes, l’écrivain se balade, déambule, flâne, porte un regard distrait mais précis sur le calme ennuyé de ce sanctuaire oublié. Peleliu a effacé les cicatrices, le temps s’en est chargé, et la vie a repris, comme si de rien n’était, nonchalante et lente. Rien à signaler sur Peleliu que le contraste saisissant entre le silence accablé de soleil et la fureur d’un passé pas si lointain finalement.
Bien, bien. Je me demande quand même. Je comprends, à la limite, que Rolin ait eu cette curiosité, la même qui pousse à marcher dans les rues d’Oradour sur glane le nez en l’air un soir d’été, je peux comprendre ce désir de souligner un contraste, j’y vois même un élan poétique pas inintéressant, pourquoi pas. Ce qui m’interroge par contre, c’est l’intérêt à accompagner Rolin dans cette démarche. Honnêtement, je me demande vraiment s’il y avait matière à écrire un livre. Un article aurait suffi, quelques pages, quelques phrases. Rolin, qui publie peut-être trop en ce moment, nous avait déjà embarqué sur des sentiers très personnels avec Savannah son livre précédent, déambulation endeuillée dans les rue de la cité géorgienne. Il revient avec Peleliu, autre déambulation dont on cherche parfois en vain le but ultime. Et je me prends à regretter les premières pages fantastiques des Evenements, son dernier roman, qui lui, m’avait embarqué sans jamais m’ennuyer.
Parfois beau, souvent chiant. Avec, en prime, un petit côté Professeur Rolin.
Comme tout le monde, j’éprouve un certain plaisir, teinté de vanité, à initier des nouveaux venus aux connaissances que je viens moi-même d’acquérir.
Peleliu, Jean Rolin, éditions P.O.L