De face, je prends l’aube en pleine face, ça frappe frontal le choc de front. J’encaisse sur le direct, démonté, tripes fracassées dans l’accroc.
Lecture physique. Se plonger dans Sombre aux abords, confortablement installé dans un fauteuil, un thé vert à portée de mains, FIP en musique de fond, une lumière douce qui filtre à travers les rideaux.
Et puis, très vite, après quelques pages à peine, se redresser, se crisper, se contorsionner, s’asseoir par terre, se frotter la nuque, compulsivement, oublier FIP et passer à Sonic Youth, se dire, Bordel qu’est-ce que c’est que ce truc ??
Dès les premières lignes de ce recueil Julien d’Abrigeon nous entraîne dans une poursuite. On ne connait rien de son narrateur mais on le suit sans respirer qui se débat, qui arrache tout sur son passage, qui détruit sa voiture, frotte, casse. Une lutte en apnée pour âme torturée. La forme aussi nous cueille, nous interdit le confort. On n’est pas sur une rivière calme ici. Plutôt dans des rapides. Le texte va et vient, joue avec la forme, hésite entre poésie-catch et prose musclée. Je sors de Sales sols stériles et je m’interromps. Café serré obligatoire. Retour à la 4ème de couv’. Le recueil est sensé rendre hommage à Springsteen et son album de 1978 Darkness in the Edge of town. Ah ok…Sales sols stériles c’est Badlands. Expérience.
Seul problème, Springsteen ne me parle pas du tout. A part un album de 1973 et quelques chansons –Sandy ou New York serenade – Je n’accroche pas (Euphémisme). Tant pis, retour à Sonic Youth et l’album Goo, dont la couverture reviendra me visiter plusieurs fois pendant la lecture.
Je sors de là et reviens te chercher. De suite, tout de suite, maintenant. On repartira à zéro, encore une fois. J’ai de la force pour trois. Pour toi, et moi, et on verra.
Histoires d’écorchés en quête d’oubli, de rachat, de vitesse. Jeunesses hurlantes pied au plancher, Bonnie & Clyde, La Nuit de Druillet, Sailor et Lula qui rouleraient de nuit autoradio à fond dans un décor d’apocalypse, David Lynch côté nuit, versant mystérieux, les images se bousculent sous les coups de boutoirs du poète boxeur Julien d’Abrigeon. Parfois je suis chez Beineix –La lune dans le caniveau– ou alors chez Carax. Je vois Denis Lavant qui court jusqu’à l’épuisement, s’accroche aux parois, tombe, s’écorche, se relève, et repart sans respirer.
J’ai terminé Sombre aux abords épuisé, j’ai pris ce que j’ai trouvé, je n’ai pas vu toutes les références, il faudrait y revenir. J’ai repéré Proust –Pas sûr de ce qu’il foutait là – sur le bord de la route et puis j’ai refermé le livre sur ces mots :
Mon ventre cratère. Mon plexus écrase le souffle, l’efface. Puis implose/ravage/irradie tout mon corps d’extrêmes acouphènes.
Ce matin, je me réveille avec des courbatures; Heureux d’avoir combattu.
Enfant enragé, baptisé en nage un dimanche-gigot-haricot au restau, famille clope au bec, descendant du Saint-Joseph tout en rotant l’ail et les blagues racistes.
Sombre aux abords, Julien d’Abrigeon, Quidam éditeur.