A genoux, la tête presque engloutie dans la cuvette, elle est là.
D’abord il ne la reconnaît pas. Elle a épaissi, ses cheveux blonds coupés à la moissonneuse-batteuse sont collés de vomi. C’est ça la pin-up des magazines ? La poupée mannequin que tous les couturiers veulent habiller ? La star qui compte plus de couvertures que la reine d’Angleterre et Madonna réunies ? Paul se racle la gorge pour signaler sa présence; elle dégueule encore.
Bien entendu j’avais repéré ce titre oh combien marketing. Une poupée au pays de Daech, ça c’était vendeur ! ça sentait la transgression à plein nez, Martine au harem ou Dora l’impure punie.
Qu’est-ce qui se cache derrière une couverture? Pour une fois Alma avait dérogé à sa règle. Pas la typo habituelle, un côté fun assumé et une tranche noire et rose. Noir et rose ou plutôt rose et noir car ce roman qui commence comme une bouffonnerie potache – Barbie, en fin de carrière larguée par Ken et remplacée dans les cœurs par cette SLUT de R d N (Reine des neiges), vit une descente d’organes plutôt difficile. Cette bouffonnerie, dont on se demande tout d’abord où elle va, nous emmène très vite du côté obscur de la femme, celui qui voilé de la tête aux pieds ne peut se révéler sous peine de…mort.
Barbie donc, larguée par cet enculé (sans attributs) de Ken, se réfugie dans les bras de Beau Gosse qui, mal intentionné (mais tous les hommes ne sont-ils pas mal intentionnés??) kidnappe la blondasse et la livre à des rebelles djihadistes moyennement ouverts pour tout ce qui concerne les questions de société en général et la place de la femme en particulier. Barbie se voit donc contrainte de dissimuler ce corps qui n’est rien d’autre que son unique fond de commerce. Conne à bouffer du foin, Barbie ne comprend pas ce qui lui arrive et demeure persuadée qu’elle prend part à un reality show. Voilà pour le côté rose.
Elle portait aux pieds des sandales, et, dans ses sandales, des collants Opaques.
-Des jeunes filles ont été arrêtés ébattus à cause de leurs chaussures de couleur.
–Arrêter par qui ?
–Par la police du vêtement.
Barbie pensa que c’était cher payé le Fashion faux-pas. Depuis longtemps ce n’était plus une faute de goût de porter des chaussures de sport avec des robes.
Le côté noir vient ensuite quand Barbie découvre le monde à travers la condition de ses sœurs d’infortune, martyrisées par les hommes, ces pervers honteux qui torturent ces corps impurs d’où naît l’infâme désir. Barbie devient moins stupide à mesure que son corps s’efface et bientôt la voilà qui réfléchit et aperçoit la cage virtuelle dans laquelle elle s’est elle-même enfermée.
Condamnée à être belle et désirable, à vivre pour le regard des hommes, Barbie n’est finalement pas plus libre que ces femmes cachées sous leurs voiles opaques. Libère-toi Barbie et épouse la cause de ton ennemie La Reine des Neiges qui a pourtant tout compris bien avant toi !! Libérée, délivrée ! Vive la Reine des Neiges, la première femme libre de notre temps. Sans déconner…
Barbie s’était habituée à regarder les femmes. D’abord par intérêt pour elle-même. Elle avait découvert qu’en fixant la pupille d’une autre, elle y voyait son propre visage. Ensuite quand elle avait été rompue à ces bandes d’yeux, lasse de s’y voir, elle avait perçu comment, de manière imprévue, des émotions toujours nouvelle s’y dévoilaient.
Une poupée au pays de daech, Eli Flory, éditions Alma.
2 réponses à “Une poupée au pays de Daech – Eli Flory”
Sympa ton nouveau design!
Et donc? ça vaut le coup ou pas?
Merci Eva ! Hmm pas mal, mais pas chef d’oeuvre. Un peu trop court peut-être…