On était plus ou moins à la fin des temps et les nantis voulaient conserver le bout de territoire qu’il disputaient à la nature devenue violente.
Oui, je sais, encore un roman post-apocalyptique. Je sais. Que voulez-vous, on ne se refait pas, d’autant que Dans la forêt de Jean Hegland, qu’on me présente comme un cousin de The road et de la Constellation du chien est venu grossir ma PAL dodue cette semaine.
Oscar de Profundis, de Catherine Mavrikakis, où quand la poésie, une certaine esthétique gothique, Baudelaire et Huysmans, se mêlent au chaos urbain façon (cousin lointain) La nuit de Druillet. Nous sommes en 2080, plus ou moins, dans un Montréal déshumanisé dont les rues sont envahies par des pauvres errants, des gueux dont la maigre population des riches se tient à l’écart, protégée par les agents du gouvernement mondial. Oscar de Profundis, chanteur vedette aux allures de Messie à la Vernon Subutex, rare superstar mondiale encore capable de déplacer les foules dans ce monde désabusé, revient sur les lieux de sa jeunesse à l’heure où une partie de la ville se meurt, en proie à une effroyable épidémie de peste qui se répand telle une traînée de poudre au sein des quartiers les plus pauvres. Le gouvernement ne fait rien, attend, protège les riches et patiente, silencieux, en espérant que la maladie emporte cette populace de pouilleux qui tels des rats n’en finissent pas d’enlaidir un monde souillé d’immondices.
Les meutes se faisaient de plus en plus animales. Devant leur extinction progressive, elles ne pouvaient que se défaire, se fracturer, chacun de ses membres s’obstinant à persévérer en vain dans sa condition de mortel. Le souffle, une fois qu’il est donné à l’organisme, s’accroche désespérément à la vie.
Et au milieu de ce chaos calme, Oscar le chanteur, le dandy rockeur romantique, attend son heure patiemment, confiné dans une demeure d’un autre siècle au charme désuet, entouré de sa cour et du passé de ce monde qui n’en a plus pour longtemps.
Les gueux ont-ils renoncé et attendent-ils la mort résignés? Y-a-t ’il encore un espoir ? Une rébellion est-elle possible ?
Voilà un roman étonnant, vaguement désabusé, une sorte de huis-clos avec vue sur l’horreur, qui accentue les symptômes de la maladie dont notre société semble déjà atteinte. Deux mondes cohabitent et s’opposent sans plus jamais se rencontrer, les pauvres sont des rats qu’il faudra bien exterminer. On n’enterre plus les morts, on les brûle, il faut bien faire de la place, rendre l’air un peu plus respirable. L’armée nettoie les rues pendant qu’Oscar le nanti au grand cœur supposé, termine sa tasse de thé, le petit doigt levé.
Un roman très fin, pas gai, assez impitoyable et d’une noirceur qui confine parfois au cynisme. Une belle découverte.
Oscar de Profundis, Catherine Mavrikakis, Sabine Wespieser éditeur
4 réponses à “Oscar De Profundis – Catherine Mavrikakis”
Ce n’est pas moi qui vais te lancer des pierres: j’adore les romans post-apocalyptiques!
J’attends avec impatience « Dans la forêt » de Jean Hegland. Le temps qu’il arrive au Québec…
J’ai ce roman de Mavrikakis dans ma PAL. Je digère encore « Station Eleven » avant de m’y mettre. Ce que tu en dis est très alléchant, si on peut dire ça…
HEP merci Marie-Claude !
je suis justement en train de lire « Dans la Forêt » 🙂
J’avais découvert Catherine Mavrikakis il y a des années avec Le Ciel de Bay City, qui m’avait mise très mal à l’aise…
J’y viens très bientôt !