Une nouvelle fin du monde. Version islando-trash cette fois. Eiríkur Örn Norðdahl, le jeune brillant –et vaguement inquiétant – auteur d’Illska, le mal revient avec la stupidité, un roman fort comme un coup de poing dans l’estomac, qui vous met à terre puis vous dérange alors que vous vous relevez péniblement, vous distrait de la main qui caresse avant de vous asséner le vilain coup fatal. En 158 pages serrées comme un ristresso avalé au comptoir, Eiríkur Örn Norðdahl nous parle du couple et de ses déchirements, de la société moderne ultra-connectée jusqu’à la déviance ultime. Nous raconte une résistance terroriste qui consisterait à couper les écrans et les caméras. Il nous parle de solitude, de bulles dans lesquelles chacun s’enferme sans s’en apercevoir. Il parle de la fin, parce qu’elle est là la fin, elle s’annonce, elle s’avance.
Áki et lenita sont un couple d’écrivains. Les deux ont du succès, publient chacun dans une maison différente, écrivent en parallèle, côte à côte ou presque. A distance raisonnable, distance de caméra raisonnable. Ils ne se font lire leurs livres que quand ceux-ci sont terminés, ils ne parlent pas de leur travail avant de l’avoir fini. Chacun à l’abri du regard de l’autre, lit le roman de son conjoint. Et c’est le choc. Les deux romans sont presque similaires. Ils portent le même titre, Ahmed et parlent tous les deux de l’errance d’une jeune islandais radicalisé. Plagiat? Qui a copié l’autre ? Les deux s’accusent et commencent alors une bataille conjugale digne de la Guerre des rose, à coups de coucheries façon revenge-porn sous l’œil des caméras toujours au bon endroit, bien entendu. Car ce monde détraqué évolue sous l’œil bienveillant de la surVeillance, un système de visionnage permanent et intrusif généralisé à l’échelle du monde. Le Loft pour tous, le rêve Loana à portée de clic. Chacun s’observe et est observé, constamment filmé, immobile ou presque, conscient que, où qu’il se trouve quelqu’un pourra le voir. Un monde cauchemardesque –mais qui plairait beaucoup à Estrosi – auquel tout la société s’est habituée au point de paniquer quand soudain les écrans s’éteignent. Des terroristes de l’image, des hackers romantiques, cousins islandais de I-Robot tentent de renverser ce monde qui marche à l’envers.
C’est brillant. Vraiment. J’ai adoré le ton, la langue punk de Eiríkur Örn Norðdahl, sa vision de notre civilisation décadente au bord de l’implosion, son regard trash sur le couple, sa capacité à ficeler son intrigue comme un rôti serré et dense qu’il passe au four sous nos yeux étonnés. Bon je dis n’importe quoi mais pas lui. Lisez la stupidité, elle n’est pas contagieuse.
La stupidité, Eiríkur Örn Norðdahl, éditions Métailié
12 réponses à “La stupidité -Eiríkur Örn Norðdahl”
Je me le garde au chaud …… on dirait un épisode de black miror…..
Ah, connais pas Black Miror ! Mais je pense que ça peut te plaire
Tu dois regarder black miror ! Tous les épisodes sont indépendants. …certains sont tellement plausibles qu’ils en sont effrayants. ….ça fait froid dans le dos…
Ok merci Du tuyau ça m’intéresse à fond !
vu que j’ai détesté le précédent…en même temps il fait 158 pages, ça peut m’occuper pendant une heure de trajet…
C’est quand même moins trash, l’autre était clairement dérangeant , l’autre l’est quand même un peu / beaucoup moins. Je dirais que ça vaut le coup que tu essaies… rien que pour qu’on en discute après !
Contrairement à Eva, j’ai bien aimé « Illska ». Ravie de lire que « La stupidité » t’a touché! Je compte bien lire ce nouvel opus dès qu’il sortira ici.
Alors c’est un peu moins fou qu’Illska , quoique…
Illska pour moi est un chef-d’oeuvre. Je me réjouis de lire celui-ci.
Et bien c’est ce que j’ai pensé quand j’ai vu « La stupidité » chez mon libraire, pas hésité et pas déçu !
Il m’intriguait, tu m’as donné envie… même si je ne suis pas sûre de succomber à la langue punk !
Le punk, c’est un peu de folklore quand même, son côté Orange mécanique , chapeau melon, regard qui fout les jetons. Non c’est pas si punk que ça. Et puis ça parle de littérature !