Peut-être que je désirais être arrêté. Après tout ce temps, peut-être que je voulais provoquer une fin.
Retour à Belfast. Et retour de Jack Lennon la tête brûlée, le flic autodestructeur qu’on avait laissé très amoché à la fin de la superbe trilogie – Les fantômes de Belfast, Collusion et Les âmes volées. Retour dans la capitale nord-irlandaise balayée par les vents maussades, la pluie horizontale et les années de guerre fratricide entre catholiques et unionistes.
Ici tout est gris, surtout la vie. Pas beaucoup d’espoir derrière les petites maisons en briques, perpétuellement tristes et humides. Jack Lennon traîne son mal-être de flic à l’amende. Lui qui a tiré sur un collègue et fini par définitivement se faire mettre sur la touche, passe ses journées sur le canapé entre télé, bières et antalgiques. Sabotage et dommages collatéraux, sa compagne Susan, sa fille Ellen. Misère ordinaire et déprime post-traumatique.
Mais le passé n’est jamais loin qui saute à la tronche de l’ancien flic rebelle. Rea, une ancienne petite amie, qu’il n’a pas vraiment bien traitée, comme les autres, l’appelle en urgence et demande son aide. Une histoire de registre dans lequel seraient consignés un certain nombre de meurtres, l’œuvre d’un serial Killer au long cours. Alors Lennon va replonger, quitte à se jetter dans la gueule du loup et passer très près de la correctionnelle, au sens propre du terme.
J’adore Stuart Neville. Ses romans sont aussi attachants qu’efficaces. Ils vont droit au but, sont sans doute un peu classiques dans leur forme – Toujours le crescendo vers un affrontement final avec le méchant, mais ça fonctionne. Je tourne les pages compulsivement, je ne lâche pas la bête avant de l’avoir achevée. Et puis ce charme nord-irlandais que je ne m’explique pas, cette violence, souvent larvée mais omniprésente à l’échelle d’une société entière. Il y a quelque chose de fascinant et de foncièrement malsain au royaume de la tourbe, quelque chose de pourri, un jus noir comme de la Guinness dans lequel j’adore me noyer.
Le silence pour toujours, Stuart Neville, éditions Rivages Noir