La catastrophe se déploie lentement, elle est intime, insidieuse, elle s’installe par petites touches et métastase le présent.
On y est presque. Deux mois. Et le grand cirque a commencé. Ça fait un petit moment déjà que la littérature s’est mise à imaginer le chaos possible, prévisible ? qui nous attend. Je suis encore marqué par les premières pages des évènements de Jean Rollin et de cette voiture qui file à contre sens sur le boulevard Sébastopol, fuyant un Paris assiégé par des milices et pris par les flammes. On n’y croit pas malgré tout à ce cauchemar domestique qui prend des airs trop familiers. On se fait peur, on aime ça. On crache sur Trump et Nigel Farrage en Angleterre et on se dit « Pas chez nous quand même… »Non, non pas chez nous bien sûr, aucune chance. Alors on se divertit en regardant le spectacle affligeant de la châtelaine Pénélope qui jure ses grands Dieux qu’elle n’a rien fait, vraiment rien d’ailleurs, alors que Jean-Luc fait son David Copperfield et Manu son malin. Pendant ce temps-là, la bête avance, sournoise et précise. On y est les amis. Vraiment ?
Eric Pessan franchit le pas et imagine le chaos qui suit l’annonce. Une nuit, LA nuit, deux personnages qui se sont aimés et qui se retrouvent autour d’une même nausée. David est à Paris et il veut vivre cette prise de la Bastille à l’envers, ces rues livrées au choc, cette stupeur collective et ces voitures qui brûlent. Mina, elle, n’a pas voulu de cette journée et a cherché le néant. Elle a embarqué sur un cargo et se trouve alors que le pire est arrivé, au milieu de l’océan, très loin de tout. Et les deux anciens amants se retrouvent liés dans la catastrophe. David évoque la nuit du gâchis et leur histoire rejoint celle de la France. A quoi ressemblera le petit matin? qu’est-ce qui succédera à la peur et à l’angoisse ? Elles n’ont plus lieu d’être, le pire est arrivé. A la fin il ne reste qu’un mot alors que la fin de la nuit a apporté son lot de belles choses. L’espoir.
C’est beau ce truc. Ça m’a dérouté un peu au départ, pas ou peu de prise, et puis je me suis laissé porter, bien au-delà du sujet bien sûr ultra-concernant, je me suis laissé envahir par ce rythme étrange, par l’ivresse bizarrement confortable qui se dégage de la langue d’Eric Pessan et ces dernières phrases résolument optimistes qui refusent la fatalité et auxquelles je ne pense qu’à me raccrocher.
Jusqu’à présent nous vivions dans l’angoisse, désormais, nous vivrons dans l’espoir.
La nuit du second tour, Eric Pessan, éditions Albin Michel
2 réponses à “La nuit du second tour – Eric Pessan”
J’avais failli l’acheter, celui-là, le 31 décembre, alors que je vagabondais en librairie. J’aurais visiblement mieux fait, car j’ai fait ce jour-là une fort mauvaise pioche… Peut-être n’est-ce que partie remise…
Ecoute au début ça n’a pas été un coup de coeur et puis je me suis laissé rattraper par le rythme atypique. pour moi ça vaut le coup…