Nous marchions sur les pas de Maria. Les bois étaient aussi noirs que ceux de son récit. Ils imposaient le silence à ceux qui les traversaient. Chacun de nous retenait ses mots, ressassait ses pensées, traquant sur le visage de l’autre le moindre signe d’effroi. Nous portions tous les trois le même masque impavide. En nous la peur avait fait son lit, mais rien ne devait en surface la trahir. Un vent fort s’était levé et balayait tout sur son passage.
Moi la forêt, ça m’a toujours foutu les jetons. Pas besoin de Perrault ou d’Andersen, je me suis toujours demandé ce qui se cachait au fond des bois dès que la lumière venait à baisser. Je fais mon malin quand même, mâle, fils de chasseur (retiré des affaires depuis que…bref, j’adorais ce chien.) mais il est vrai qu’une balade en forêt a le don de révéler votre vulnérabilité. Le moindre craquement dans un buisson, le silence souvent plus inquiétant encore, et cette sensation particulièrement désagréable qu’on vous observe, vous, l’intrus dans ce royaume étrange.
Xavier Gloubokii dont Écorces est le premier roman, nous prend par la main et nous entraîne dans les bois noirs et inquiétants. Une petite ville qu’on imagine américaine, quoique…un shérif fatigué en fin de parcours, une vallée verte qui va disparaître sous les assauts des promoteurs immobiliers. La forêt séculaire est en danger et tout le monde s’en fout, tout le monde sauf une bande de marginaux inquiétants qui rôdent dans les bois, déguisés en arbre, tribu silencieuse vaguement menaçante. Et puis il y a ces animaux aussi qu’on retrouve atrocement mutilés. Il se passe quelque chose au fond des bois que le shérif Ahmed va devoir découvrir alors que la tempête du siècle s’avance sur la petite ville.
Grosse ambiance, polar écolo tout en faux-semblants, Écorces est un tour de force dont le personnage principal n’est autre que la forêt elle-même. Contemplatif, lent, le roman nous entraîne au cœur de ce paysage trop dense qui refuse de dévoiler ses secrets. Un truc à vous dégoûter, vous détourner de la balade dominicale en forêt de Fontainebleau. Écorces n’est pas le Blair Witch project non plus, ni un thriller à la Stephen King qui vous empêchera de dormir pendant les dix prochaines années, On est plus proche d’une ambiance à la Serge Joncour dans l’Ecrivain National. Oui, Écorces est un roman subtile qui laisse traîner sa frousse sans que vous vous en doutiez, qui vous laisse marcher tranquillement sur le sentier ombragé avant de vous de cueillir, un petit frisson dans le dos, au cœur des bois noirs, quand il est trop tard pour faire demi-tour. #Jesuispetitpoucet
Ecorces, Xavier Gloubokii, éditions Liana Lévi
3 réponses à “Ecorces – Xavier Gloubokii”
Non mais depuis blair witch je ne vais même plus cueillir les ceps…..trop la trouille. ….
Hahaha !
Il faut bien affronter ses peurs, non?! Moi, je suis très tentée. Je ne rechigne jamais devant quelques petits frissons d’effroi. Merci pour la découverte!