Cette confusion, Danglard et Retancourt La déploraient toujours. Chefs de file de la ligne pragmatique de la brigade, tenants de la logique linéaire et de la rationalité, ils réprouvaient la manière dont Adamsberg avait conduit la journée et mené son enquête disparate et avare de mots.
Raconte-moi une belle histoire. Il y a quelque chose de magique dans les bouquins de Fred Vargas, quelque chose qui a trait à l’enfance, au merveilleux. Spectacle, applaudissements, roulements de tambour, le lapin qui sort du chapeau, barbapapa pendant l’entracte. Sourires émerveillés devant les prouesses du commissaire médium fouinard Adamsberg, envahi par ses bulles gazeuses, ses proto-pensées, sortes de flashs improbables que même son équipe peine à suivre.
Adamsberg c’est l’anti- Julie Lescaut, l’anti-commissaire Moulin. « Ranafout » de la délinquance ordinaire le commissaire, ça manque de poésie la délinquance ordinaire… Lui il donnerait presque plus dans le Mulder et Scully mais avec explication « Bon sang, mais c’est bien sûr! » à la fin.
Qu’on ne s’y méprenne pas, Vargas, c’est l’éclate façon Blake et Mortimer. De l’enquête inspirée, aux frontières d’un réel vaguement tiré par les cheveux mais toujours empreint de cette atmosphère gothico-comique, de ces personnages improbables, de cette collection de misfits gouailleurs, de ces bons mots et ces répliques imparables.
Ça commence par une fausse piste. Un meurtre résolu en moins de deux, 70 pages. On se dit tiens tiens, ah bon, ah bon, on se demande… et puis Adamsberg, qui s’ennuie vite, commence à faire son Adamsberg et s’intéresse à une histoire de petits vieux qui meurent piqués par des araignées dans le sud. Un mort, deux, trois…tiens tiens. Officiellement rien, RAS, oui mais voilà, Adamsberg se pose les questions que les autres refusent de formuler. Alors ça pique en interne. Ça discute. Ça donne son avis. Ça boude et ça mutine. Danglard se rebiffe même et la brigade se scinde entre pros et cons. drôle d’atmosphère fratricide… Veyrenc remplace Danglard as number 2 et ça commence à enquêter sec sur cette drôle d’araignée, la recluse, timide et venimeuse mais qui tue depuis quelques semaines. Mutation de la bête ou crime fabuleusement bien déguisé ?
Commence alors le Grand Abracadabra. Un grand concours de « Là tu me vois, là tu me vois pas « , des fausses pistes, des virages serrés, des lacets, des demi-tours, sprints, coups de freins, presque la gerbe à force de…Adamsberg fait confiance à son intuition, à des souvenirs improbables qu’il va chercher du coté de Lourdes et de sa petite enfance. Il tord le cou à tout, perd la confiance de sa troupe farfelue qui comme nous se demande et s’inquiète.
Sauf que nous on sait. On sait qu’au bout des 480 pages, Adamsberg nous sortira le lapin du chapeau, qu’on applaudira comme des gamins et qu’on se dira « ´Tain c’est bien foutu quand même… » évidemment on n’en croira pas un mot mais on n’a jamais vraiment cru ni au Père Noël ni à Harry Potter et ça ne nous empêche pas de les aimer.
Quand sort la recluse, blockbuster malin, Gérard Majax d’or du page-turner, un Vargas légèrement foutraque qui marche parfois sur les mains pour notre plus grand plaisir…
Quand sort la recluse, Fred Vargas, éditions Flammarion.
3 réponses à “Quand sort la recluse – Fred Vargas”
Extra, ton article ! C’est e-xac-te-ment ça !
Du grand n’imp jouissif !
ça se lit avec plaisir, mais ça commence aussi à m’agacer un peu, ce puzzle qui se met en place en mode tadam!