Désormais femme de trait qui trimait tout le jour dans les champs et, le soir venu, se repliait à la ferme pour encore trimer, devenir mère, et plus épouse.
Parce que j’adore Franck Bouysse et encore plus La Manufacture de livres, parce que j’avais dévoré Grossir le ciel et encore plus Plateau, que j’avais reconnu chez Bouysse le chainon manquant entre le Comès de La Belette et Silence et le Ron Rash des terres américaines oubliées. Parce que l’âpreté des premiers romans, parce que la noirceur, parce que le silence hostile et la menace des espaces pas si libres. Parce que la promiscuité et les sous-entendus. Le monde rural d’où je viens.
Je n’ai pas aimé Glaise. J’ai presque honte de l’avouer. Et pourtant encore une fois, quel décor… Deux fermes du Cantal sur la montagne, à l’écart du village. Deux familles que la guerre dépouille de ses hommes en 1914, Victor, Eugène, Emile, partis se faire massacrer au nom de la nation. La vie laissée aux femmes, aux vieillards et aux enfants. Gestes éternels, toujours les silences, la souffrance indicible, l’absence, l’existence traversée comme une épreuve, sans joie, jamais.
Sauf quand l’amour arrive et bouscule. Et c’est sans doute là que je perds le fil. Quand Roméo et Juliette posent leurs bagages à Salers. Quand la langue se fait moins sèche, quand l’auteur s’éssaie au lyrisme amoureux. Je décroche. Je fronce les sourcils et je commence à soupirer et souligner. Que les dialogues ne sonnent pas bien , que l’intrigue me laisse de glace, que le roman s’étire. Pas assez sec, il parle trop. Ce que j’aurais voulu suggéré est trop enrobé, délayé comme une sauce un peu flotteuse. Surjoué. Et j’en suis désolé. Ça ne prend pas. Le grand roman espéré n’est pas là. Pas pour moi en tous cas. Oui je sais, je rame à contre courant car je lis les critiques et elles sont très bonnes. Encore une fois, j’aurais voulu adorer Glaise. Et je n’oublie ni Plateau, ni Grossir le ciel. Je reviendrai.
Glaise, Franck Bouysse, La Manufacture de livres.