Puis j’ai enjambé le rebord de la fenêtre. Je me suis retourné une dernière fois pour bien mes remplir les yeux de la station avant de m’enfoncer dans la forêt de pins derrière l’atelier. Après ça, je ne l’ai revue qu’une fois.
J’ai refermé le roman. Et j’ai dû faire une drôle de tête. Ma fille aînée, 9 ans, m’a demandé de quoi parlait ce livre, Ma reine. Je ne sais pas si elle voulait vraiment le savoir ou si elle voulait juste me faire la conversation mais je lui ai raconté et elle a été tellement scotchée qu’il a fallu que je lui raconte encore au petit déjeuner le lendemain matin.
Parce qu’il y a un « truc » dans Ma reine, quelque chose, une parenté avec les contes foireux de notre enfance, ceux qui nous faisaient peur mais dont on voulait à tout prix connaître la fin. Ceux qui mettaient des enfants en scène aussi, plus Hansel et Gretel que Stranger things quand même…
Ma reine c’est l’histoire racontée à la première personne, d’un gosse un peu particulier, un gamin un peu seul, paumé dans un village de Provence au milieu des années 60. Il nous déballe sa vie, son quotidien avec ses mots et son ton simple d’enfant . Simple, c’est ce qu’on dit de lui. Elevé par des parents un peu trop vieux, un peu trop tristes, il ne rêve que de la station-service Shell dont il voudrait briquer les pompes à longueur de journée. Ennui, monotonie. Il suit son père comme un chien mais ce père éteint et désemparé ne lui donne pas grand-chose d’autre que quelques coups de ceinturons de temps en temps. Il y a bien les câlins désolés de sa mère et sa grande sœur qui passe de temps en temps, mais…
Il sent qu’il n’est pas adapté, qu’il se perd, qu’il déçoit, que ses parents ne savent pas trop quoi faire de lui, qu’ils prévoient même de l’envoyer au loin…alors un jour, une nuit plutôt, il décide de gravir le chemin sinueux qui serpente au-dessus de la maison et il gagne le plateau qui domine la vallée.
C’est là que sa Reine lui rend visite. La Reine. Une petite fille de son âge qui habite là-haut et qu’il va suivre comme on suit une étoile, à qui il sera prêt à tout donner, lui le gamin pas très malin, fidèle comme un chien, qui ne rêve que d’amour. Poète malgré lui, il va hanter le plateau, dominer la vallée et les hommes ordinaires qui le cherchent en bas. Il va les observer avec Matti le berger, du haut de son promontoire à mi-chemin des étoiles, prêt à prendre son envol, presque libéré de la gravité qui le clouait au sol.
À la nuit tombée on a entendu comme des coups de canon, du genre à faire trembler les vitres sauf que la bergerie n’avait pas de vitres. C’étaient les feux d’artifice du 14 juillet dans la vallée, a expliqué Matti. Du plateau on pouvait seulement les entendre, alors on s’est assis sur le rebord de la porte, on a fermé les yeux et on a imaginé le reste.
Ma Reine est drôle de conte initiatique, poétique et onirique, touchant et parfois cruel, un peu triste aussi… Trois jours que j’ai refermé le livre et l’empreinte est toujours là, forte. Ma fille continue de me poser des questions sur le livre. Je lui en lis des passages, je le feuillette à nouveau. Ça m’arrive rarement. Il doit y avoir un truc.
Ma reine, Jean Baptiste Andrea, éditions l’Iconoclaste
2 réponses à “Ma reine – Jean Baptiste Andrea”
Tu dirais qu’il y a quelques chose de proche dans la sensation qu’il laisse du livre « le puit » ?
Ah je l’avais finalement jamais lu celui-là, je devrais tu as raison !