Le livre de Mischa Perm, incarne à ses yeux la Sibérie quand bien même il n’est pour ceux qui y voyagent pour de vrai qu’un minuscule point dans un horizon en constante transformation, qui jamais ne s’éloigne ni se rapproche. Pour enfin s’ouvrir sur la mer d’Okhotsk. Où l’on trouve bel et bien un Okhotsk. C’est-à-dire un endroit, a constaté Sophie lors de ses recherches, qui n’a rien à offrir que le spectacle de son abandon.
Voilà un drôle de livre en forme de trompe l’œil, en forme de récit parallèle en marge de la réalité. Il y quelque chose de foncièrement déconant dans cette drôle de danse aux relents théâtraux, je trouve, une chorégraphie subtile portée par un texte nerveux dans lequel on se balade amusés, ballotés aux frontières de l’absurde et du grand nulle part.
Alex raconte qu’il a vu Robert et qu’il ne l’a pas reconnu. Je l’ai vu moi aussi, dit Sophie. Il m’a prise pour Thérèse. Mais ce n’était pas lui.
Le grand nulle part c’est Okhotsk , quelque part aux confins de la Russie, de Sakhaline et de Bering, là où les repères familiers s’arrêtent et où le fantasme d’une existence différente, d’un ailleurs véritable, débutent. Chacun a son propre Okhotsk. Je suis moi-même un adepte des cartes de pays lointains et de terres oubliées. Okhotsk, c’est Péténaouchnok, c’est le départ, la fuite, l’au revoir absolu à sa propre vie.
Des personnages étonnants, décalés bien sûr, se croisent, dans un bistro, dans une librairie ou ailleurs. Il y a ce livre qui les fait tous rêver En route vers Okhotsk, récit sibérien, véritable succès d’édition dont tout le monde parle et dont l’auteur Mischa Perm se cacherait parmi eux sous les traits d’un certain Robert, fantôme à Vodka qui nie son identité supposée mais emporte dans son sillage, Sophie et Thérèse, amoureuses de lui mais éprises d’un spectre qui erre en dehors de sa vie.
En route vers Okhotsk est un drôle de récit qui évolue dans une dimension très proche de la nôtre, sans jamais vraiment la croiser. Illustration d’un rêve, un rêve d’ailleurs bien sûr, le roman nous promène dans un univers loufoque et vaguement gris dont on se réveille un peu nébuleux, une carte sur les genoux, en route vers ce purgatoire étrange où personne ne va jamais.
Et Okhotsk ? demande Alex. Qu’est-ce qu’il va devenir cet endroit où tout le monde veut aller et où personne ne va?
En route vers Okhotsk, Eleonore Frey, Quidam éditeur.