Un empêchement – Michel Crépu

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En réalité, au-delà du cas particulier de François Fillon dont on ne s’attendait pas à écrire si souvent le nom, c’est tout un monde qui s’éteint peu à peu, avec ses gloires et ses petites affaires qui sentent le vieux local aux affiches jaunies.

Michel Crépu me fait marrer. C’est vrai, j’adore son personnage au phrasé lent, volontairement en dehors de son temps qui ne connait ni Game of Thrones, ni Nabila, dont les silences qui précèdent son avis au Masque et la plume sont aussi fameux que ses mots. Le monsieur pas si vieux, cultive une image, fausse image de professeur de littérature en chef, garant, au-delà même de ce que sont les académiciens, d’une langue, d’un esprit, d’une certaine nostalgie de la parole juste et des idées. Ses interventions au Masque sont souvent aussi décalées que drôles, prennent un petit pas de recul sur l’actualité littéraire, la mettent en perspective et l’assassinent parfois, en quelques phrases nonchalamment déclamées par ce Droopy des lettres qu’on imagine studieux et appliqué dans son bureau de la NRF.

On ne relit que les beaux livres et je ne sais plus où j’ai rangé mes Houellebecq.

Michel Crépu était destiné à la notoriété des petits cercles littéraires, pas un gars à faire le 20 heures de Claire Chazal. Mais Pénélope est arrivée. Et Crépu est apparu, qui a nié avoir jamais vu Pénélope dans les bureaux de la Revue des 2 mondes dont il était à l’époque le directeur. Et Fillon a plongé. Il aurait plongé de toutes façons.

C’est donc c’est évènement, j’imagine, qui aura poussé Michel Crépu à prendre la plume et nous livrer ses pensées sur « l’affaire Fillon ». Et là, je dis merci Pénélope parce que le cirque décrit dans cet essai est totalement savoureux. Et il n’est pas tant question de Fillon finalement, qui n’en vaut pas la peine plus que ça, mais de notre époque et de nos pseudo élites qui, dépourvues de la culture qui permet de prendre la hauteur nécessaire à la contemplation de la tâche, et quelle tache, en sont réduites à des numéros de cirque de moins en moins convaincants.

Alors oui, on se marre. On n’est pas plié en deux mais on a le rictus solide devant ces considérations qu’on ne peut pas désavouer. Crépu est un fin observateur du petit monde Rive Gauche des ronds de jambes et des petits fours, il a aussi l’oeil rivé sur ce monde de l’image auquel Fillon n’aurait jamais dû être convié, lui le second rôle éternel ,beaucoup trop terne pour la lumière.

Oui, je conseille cet Empêchement malin à la plume fine qui revient sur la plus belle représentation de cirque qu’on ait vu depuis La piste aux étoiles. Un petit bonheur simple.

L’avenir est au cirque.

Un empêchement, Michel Crépu, Gallimard.