Anne-Claire Coudray fit remarquer sur TF1 que le lunetier parisien François Pinton, qui avait créé en son temps les mythiques lunettes de Jacky Kennedy, avait spécialement conçu la paire Brigitte Macron et ce subtil verre fumé à travers lequel on percevait la tristesse de son regard.
Soyons clairs, si François Médéline cherchait à remplacer la bancale Françoise Nyssen, c‘est raté. Il est désormais grillé de droite à gauche, de Washington à Moscou, et de Beauvau à Bellecour. François Médéline qui nous avait gratifié de deux – géniaux – romans, complexes, noirs comme une démo oubliée de Joy Division, revient avec une farce politique très irrévérencieuse, une satire vitriol/Bazooka de notre époque qui passerait forcément, si nous vivions en République.
Mais là…un Régicide fictif, fallait oser. D’autant qu’avec EM, on touche presque au blasphème… Manu/Jésus/Jupiter est mort. Assassiné, empoisonné un jour gris de novembre par le très méchant, toujours tapi dans l’ombre, DAESH.
Funérailles grandioses du roi à l’heure de FB et de Twitter, la Reine (éplorée ?…) digne et magnifique qui pose en mère de la France, la Cour, mi- pétrifiée mi-charognarde au garde à vous, le monde en apnée. François Médéline /Léon Zitrone/Frédéric Mitterand nous narre le spectacle extraordinaire de la souffrance nationale, celle qu’on n’évoque qu’avec des trémolos dans la voix, qui dresse, unit le peuple et paralyse la foule orpheline.
Le président Larcher fit sa tête de taupe qui sort du cul d’une vache, celle qui lui avait permis d’être assis là.
Médéline nous peint, rictus aux lèvres, ton beaucoup trop sobre pour être honnête, un portrait bien acide de notre petit monde « Snapshat » de l’image permanente. Et ça grince. Et on se marre. Parce que Médéline n’épargne personne. Ni Manu, ni Brigitte, ni Larcher, ni Wauquier, ni Mélenchon, Sarko et les autres. Et encore moins Gérard Collomb. Une comédie où on communique sa peine à renforts de hashtags et de statuts Facebook, où on tire à demi-mots seulement des plans sur la comète France. Un spectacle désolant en somme, que Médéline, l’observateur acerbe, nous raconte avec un air presque détaché de contentement jouisseur.
Les filtres Bleu-Blanc-Rouge recouvraient les photos de profils de 124 908 153 comptes Facebook.
Et il déroule son film à l’envers, part des funérailles nationales et remonte le cours des choses, jusqu’aux mois qui précèdent le drame absolu. Et on découvre alors l’étendue de la maladie, comme la gangrène a pris, chez nous. Un complot au sein même de la FRANCE !! (main sur le cœur). Et puis Médéline s’aventure en dehors de nos frontières, survole la Maison Blanche le temps d’un épisode génial où Trump fait son Trump et décide du sort du monde avachi sur son fauteuil, télécommande à la main, où un pigeon local se fait tamponner le passeport dans tous les mauvais coins avant de finir en miettes, où Poutine se fait tripoter en tirant les ficelles et les marrons du feu. On se croirait par moments chez un Edgar Hilsenrath sous amphétamines qui referait le monde sur un coin de table.
Poutine savait que le beau gosse de l’Europe était un petit Don Quichotte de pacotille si irrémédiablement imbu de lui-même qu’il était convaincu de gagner la bataille.
Alors tout ça n’est pas sérieux bien sûr. Tuer Jupiter n’est qu’une satire bien sentie. Très bien sentie, jouissive même.
Mais Manu va bien qui soigne sa com’ et ses dents du bonheur, la Reine mère aussi qui choisit ses tenues impeccables. Gérard Collomb est plus fidèle qu’un labrador, Poutine monte son cheval torse nu – gaulé – et Trump twitte pour un monde meilleur. Tout va bien, on vous le dit. Alors Médéline, il faut arrêter de foutre les jetons à tout le monde avec cette histoire de régicide à tendance vaguement déicide. Le monde se porte très bien et la France encore mieux, qu’on se le dise…
Tuer Jupiter, François Médéline, éditions La manufacture de livres.